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Cependant le navire filait 6 nœuds ; mais la Caroline roulait si lourdement, et tanguait si violemment, qu’elle excitait de sérieuses appréhensions. Enfin, le 21 juillet, les deux navires arrivèrent en vue de l’Irlande.

On y trouva les deux steamers le Terrible et le Sphinx, qui devaient escorter le Great-Eastern jusqu’à Terre-Neuve, pendant la pose du câble.

On procéda alors sans retard à l’immersion des 50 kilomètres de câble côtier. La Caroline se tenait à l’ancre à quelque distance de la côte, tandis que des embarcations transportaient à terre l’extrémité du câble, qui se déroulait à l’arrière du navire. Cette extrémité arrivée à terre, des ouvriers, dans l’eau jusqu’à la ceinture, se mirent en devoir de la haler jusqu’à l’établissement du télégraphe situé à quelque distance sur la falaise de Foilhommerum. Au bout de quelques heures, le câble entra dans la station, et fut placé dans la tranchée souterraine préparée pour le recevoir.

À 2 heures de l’après-midi, la communication fut établie entre le poste télégraphique et la Caroline, et ce bâtiment put se mettre en marche. À minuit, un message parti du bord, annonça que l’immersion des 50 kilomètres de câble côtier était accomplie.

Le lendemain dimanche (23 juillet), on pratiqua, à bord de la Caroline, le raccord de l’extrémité du câble côtier qui venait d’être immergé, avec le grand câble contenu dans les flancs du Great-Eastern. On commença par mettre à découvert les fils conducteurs, de part et d’autre, sur une certaine longueur ; puis on les souda ensemble, et on les recouvrit d’une couche de matière isolante. Le joint fut alors mis dans l’eau froide, et l’on s’assura par une expérience faite avec le galvanomètre, que l’isolement était parfait. Après cette épreuve, le joint fut recouvert de l’enveloppe protectrice et plongé dans l’eau de mer, pour être soumis à une nouvelle épreuve de conductibilité électrique. L’isolement ne laissant plus rien à désirer, les derniers liens qui retenaient le câble au navire, furent coupés, et le joint fut jeté dans la mer.

La mission de la Caroline était terminée ; celle du Great-Eastern commençait. Le géant des mers échangea des saluts avec les navires qui l’entouraient, et se mit en route, précédé du Terrible et du Sphinx.

Le 23 juillet, la flottille s’éloignait des côtes de l’Irlande. L’immersion du câble télégraphique se faisait avec régularité ; les agents du télégraphe qui se tenaient dans la station de Valentia, échangeaient continuellement des dépêches avec le navire voguant sur l’Océan, et suivaient sa marche avec une sollicitude facile à comprendre. L’espoir était dans tous les cœurs. Mais le 24, à 3 heures du matin, lorsqu’on avait filé 156 kilomètres de câble, le galvanomètre n’indiquant plus qu’un très-faible courant, signala ainsi l’existence d’une perte d’électricité.

Le Great-Eastern tire un coup de canon, pour avertir le Terrible et le Sphinx. Une vive discussion s’engage entre les différentes personnes attachées au service du câble, sur la cause probable de l’accident. Le désappointement est général, et déjà l’on déclare que, malgré les soins les plus minutieux, la perfection des instruments employés, et la science des ingénieurs venus à bord, l’entreprise ne pourra jamais être conduite à bonne fin, parce qu’une fois le câble immergé, il semble impossible de réparer ses avaries.

Continuer la route après avoir reconnu un défaut dans la conductibilité du fil, aurait été une imprudence grave. L’ingénieur électricien, M. Canning, se décida à relever la partie immergée du câble, pour la soumettre à un examen minutieux et reconnaître le point défectueux. Mais on rencontra ici des difficultés inouïes. Lorsque après un intervalle de deux heures et une longue course sous le vent, on commença à ramener à