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de communications télégraphiques entre les différentes contrées habitées par les hommes.

Ainsi, jusqu’à la fin du siècle dernier, l’art télégraphique ne présentait que des principes confus et vagues, entièrement privés de la sanction pratique. Toutes ces idées, dont la plupart sont restées sans application, n’enlèvent rien à l’originalité des travaux de Chappe, qu’il est juste de considérer comme l’inventeur de la télégraphie aérienne.



CHAPITRE V

l’abbé chappe. — ses travaux. — expérience de son premier télégraphe aérien faite à parcé et à brûlon. — les frères chappe à paris. — le télégraphe établi sur le pavillon de la barrière de l’étoile, est détruit par le peuple, pendant la nuit.

Claude Chappe était fils d’un directeur des Domaines de Rouen. Il était neveu de l’abbé Chappe d’Auteroche, que son dévouement à la science a rendu célèbre, et qui, envoyé par l’Académie des sciences dans les déserts de la Californie pour observer le passage de Vénus sur le disque du soleil, périt victime du climat de ces contrées.

Claude Chappe était né en 1763 à Brûlon dans le département de la Sarthe. Il avait quatre frères. Ignace, l’aîné de la famille, Pierre, René et Abraham. Leur père, qui possédait une certaine fortune, leur donna une bonne éducation classique. Claude commença ses études au collége de Joyeuse, à Rouen, et il les continua à La Flèche, où l’on se souvient encore d’un ballon qu’il fit partir étant écolier.

Au sortir du collége, Claude Chappe embrassa l’état ecclésiastique, et obtint à Bagnolet, près de Provins, un bénéfice d’un revenu assez considérable, qui lui fournissait les moyens de se livrer à son goût pour les recherches de physique. L’électricité l’occupait d’une manière spéciale. En 1790, il fit des expériences sur le pouvoir des pointes, s’occupa des effets physiologiques de l’électricité, et étudia l’action de cet agent sur les vers à soie. Ces travaux, qui furent insérés dans le Journal de physique de Lamétherie, furent remarqués, et le firent nommer membre de la Société philomatique, qui était alors, pour ainsi dire, l’antichambre de l’Académie des sciences.

Claude Chappe se trouvait à Paris, quand la révolution éclata. Il perdit son bénéfice, et dut retourner à Brûlon au milieu de sa famille, où il retrouva quatre de ses frères, dont trois venaient aussi de perdre leurs places.

Dans ces circonstances, il lui vint à la pensée de mettre à profit quelques essais qui remontaient aux premières années de sa vie. Il espéra pouvoir tirer parti, dans l’intérêt de sa famille, d’une sorte de jeu qui avait fourni des distractions à sa jeunesse.

Selon quelques auteurs, auxquels aucun témoignage contraire n’a été opposé, Claude Chappe se serait amusé, dans sa jeunesse, à établir un appareil rudimentaire de correspondance par signes, qu’il aurait expérimenté avec ses frères, à Brûlon, pendant leurs réunions de vacances. Une règle de bois tournant sur un pivot, et portant à ses extrémités deux règles mobiles de moitié plus petites, tel était l’instrument qui leur aurait, dit-on, servi à échanger quelques pensées. Par les diverses positions de ces règles, on obtenait cent quatre-vingt-douze signaux, que l’on distinguait avec une longue-vue.

Claude Chappe pensa que l’on pourrait tirer un certain parti de ces signaux, en les appliquant aux rapports du gouvernement avec les villes de l’intérieur et de la frontière. Il proposa donc à ses frères de perfectionner ce moyen de correspondance et de l’offrir ensuite au gouvernement. Il les décida à le seconder dans ses recherches.

Le système des règles mobiles, qui avait fonctionné heureusement lorsqu’il ne s’était agi que d’une correspondance entre deux points, rencontra des difficultés insurmontables quand on voulut multiplier les stations.