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On se proposait d’établir d’Europe à l’île de Terre-Neuve, un service de bateaux à vapeur partant de Galway (Irlande), et aboutissant à Saint-Jean de Terre-Neuve. Les nouvelles d’Europe seraient parvenues ainsi assez rapidement dans le nord de l’Amérique et aux États-Unis, si l’on avait pu établir une ligne sous-marine à travers le golfe Saint-Laurent jusqu’au continent américain.

Comme nous l’avons déjà dit, M. Gisborne jeta un câble sous-marin entre le Nouveau-Brunswick (continent américain) et l’île du Prince-Édouard, dans le golfe Saint-Laurent, à une profondeur d’eau de 22 brasses et sur la distance de 18 kilomètres. Pour établir une ligne continue, il aurait fallu immerger deux autres câbles, entre l’île du Prince-Édouard et l’île du Cap Breton, ensuite entre cette dernière et l’île de Terre-Neuve ; mais M. Gisborne ne put y parvenir.

La compagnie, à cette époque, se trouva engagée dans de mauvaises affaires, et M. Gisborne partit pour New-York, au commencement de 1854, espérant y trouver les fonds nécessaires pour mener à bonne fin son entreprise.

À l’hôtel où il était descendu, M. Gisborne rencontra un riche capitaliste américain, M. Cyrus Field, et lui fit part de son projet. Après l’avoir écouté attentivement, M. Cyrus Field répondit que, puisqu’on pouvait immerger des câbles dans le golfe Saint-Laurent, et à travers les baies maritimes qui bordent les côtes de l’Amérique, on pouvait peut-être tout aussi bien relier les deux hémisphères, en confiant au lit de l’Océan, un câble télégraphique, construit avec les soins voulus.

Mais ce travail gigantesque était-il dans les limites de la puissance humaine ? C’est ce qu’il fallait déterminer sans retard. Il y avait deux personnes, en Amérique, qui pouvaient éclaircir la question. C’étaient M. Maury, directeur de l’Observatoire national des États-Unis, et le professeur Morse.

M. Cyrus Field écrivit à M. Maury pour lui demander son avis sur la possibilité d’immerger un câble entre l’ancien et le nouveau monde, et il adressa une autre lettre au professeur Morse, pour savoir s’il regardait comme possible de faire franchir à un courant électrique la distance de 3 100 kilomètres qui sépare Terre-Neuve de l’Irlande.

M. Maury répondit affirmativement à cette question. Il disait dans sa lettre à M. Cyrus Field : « Il est à remarquer que lorsque votre lettre m’est parvenue, j’étais occupé du même sujet dans une correspondance avec le secrétaire de la marine des États-Unis. »

En effet, le 22 février 1854, M. Maury, alors lieutenant de la marine américaine, présentait au secrétaire de la marine des États-Unis un admirable travail contenant les résultats d’une série de sondages qu’il avait exécutés sur le trajet de l’Irlande à Terre-Neuve.

Entre l’Irlande et Terre-Neuve, comme le montrait M. Maury, le lit de l’Océan est très-propre à recevoir et à conserver, sans dommage, les fils télégraphiques. Il est assez profond pour que les fils, après qu’ils auront été posés, soient à jamais en sûreté contre les atteintes des ancres, des glaces ou de tous les corps flottants, et néanmoins la hauteur de l’eau n’est pas assez considérable pour que l’immersion du conducteur puisse présenter des difficultés sérieuses.

M. Maury ajoutait qu’il ne voulait pas, pour le moment, examiner si l’on aurait un temps suffisamment beau pour poser un câble d’une telle dimension, une mer assez calme, un navire assez vaste, pour porter un câble de sept à huit cents lieues de longueur, mais qu’il ne mettait pas en doute que l’industrie humaine ne vînt à bout de ces difficultés, si on lui soumettait sérieusement ce problème.

Quant au professeur Morse, sa réponse fut