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Aux États-Unis, on hésita longtemps à essayer les câbles sub-aqueux. La nation américaine, habituée pourtant à donner le signal des grandes applications de la science, sans s’inquiéter des risques d’un échec, se tenait ici en arrière du mouvement. Les physiciens des États-Unis mettaient en doute la possibilité de faire circuler efficacement sous l’eau, un courant électrique. Quand il s’agissait de faire franchir à une ligne télégraphique, des rivières ou de grands fleuves, on faisait usage de mâts très-élevés, sur lesquels le fil était suspendu. Pour traverser l’Ohio, sans que le fil baignât dans le fleuve, il avait fallu donner aux mâts plantés sur les rives, une élévation de près de 100 mètres.

Mais les orages et les coups de vent étaient, pour ces immenses perches, des causes de prompte destruction. M. Shaffner, directeur des télégraphes de ce pays, eut alors l’idée d’employer des fils immergés et isolés par une couche de gutta-percha. Mais des courants d’eau aussi rapides et aussi chargés de sable que ceux de l’Ohio et du Mississipi, détruisaient rapidement cette enveloppe. Il arrivait aussi que des arbres, déracinés par des ouragans, descendaient le cours du fleuve, draguant son lit avec leurs racines, et s’accrochant au câble. La tension devenait excessive par l’action du courant sur la surface considérable que présentaient les arbres arrêtés par le fil, lequel se trouvait bientôt rompu.

Il fallait donc donner aux câbles destinés à être immergés dans les fleuves de l’Amérique, une résistance toute particulière. Voici comment M. Shaffner les construisit, pour assurer leur durée.

A (fig. 115) représente le conducteur électrique, formé d’un fil fer de 3mm,6 étiré avec le plus grand soin, et d’une résistance d’environ 600 kilogrammes. B est le revêtement de gutta-percha, composé de trois couches soigneusement fabriquées, C trois couches d’un mélange dit d’Osnaburg, additionné d’une composition de goudron, résine et suif. D est l’armature de fil de fer no 10 ; E est un fil no 12, roulé en spirale sur toute la longueur.

Fig. 115. — Conducteur télégraphique pour la traversée des fleuves de l’Amérique (grandeur naturelle).

Plusieurs câbles de ce genre ont été posés, aux États-Unis, soit dans les fleuves et les rivières, soit dans les baies et détroits.

La fabrication des câbles est loin de se faire en Amérique comme en Europe et particulièrement en Angleterre, où les machines consacrées à cette fabrication ne laissent rien à désirer. Dans les provinces de l’Ouest surtout, on n’a pas toujours des ateliers ; aussi ces câbles se fabriquent-ils en pleine forêt, avec la terre pour plancher, pour toit le ciel, et l’horizon pour limiter la vue. Un crampon de fer enfoncé dans un arbre, soutient l’âme du câble. Des hommes sont occupés à placer les fils de fer autour du câble et à les serrer. À mesure que l’on enroule les spires de fil de fer, on recule le cerceau qui maintient écartés et dans leur position respective, les fils de fer de l’enveloppe extérieure. Enfin on enroule le câble terminé autour d’un tambour, et ce tambour, ou bobine, est placé dans la