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déperdition de l’électricité, et de l’action corrosive de l’eau de la mer. La gutta-percha peut donc réclamer une large part dans la réalisation pratique de la télégraphie sous-marine.

M. Walker, physicien anglais, fut le premier à saisir l’importance des applications que l’on pourrait faire de la gutta-percha à l’isolement des fils télégraphiques. Le 10 janvier 1849, il constata, dans une expérience restée célèbre, qu’un fil enveloppé de gutta-percha, placé sous l’eau, dans le port de Folkstone, et se rendant à un navire placé à 3 700 mètres au large, conduisait parfaitement le courant électrique, car il permettait de transmettre des signaux tout aussi bien que sur terre.

Le projet conçu en 1840, par M. Wheatstone, fut alors repris par M. Jacob Brett, qui s’était déjà fait connaître comme l’inventeur d’un télégraphe imprimeur.

Par une faveur toute spéciale, M. Jacob Brett obtint du gouvernement français le privilège exclusif de l’exploitation du télégraphe électrique qui serait établi entre Douvres et Calais. Un décret, en date du 10 août 1849, lui accorda le droit privilégié d’exploiter pendant une durée de dix ans, à partir du 1er septembre 1850, la communication télégraphique entre l’Angleterre et la France. Cette autorisation obtenue, une compagnie anglo-française se forma, pour mettre le projet à exécution.

Un fil de cuivre d’une longueur continue de 45 kilomètres, recouvert d’une enveloppe de gutta-percha, de 6 millimètres et demi d’épaisseur, fut rapidement disposé pour servir de conducteur entre les deux villes.

Lorsqu’il fut essayé par M. Wollaston, ce conducteur était tellement imparfait, que l’eau pénétrait jusqu’au fil, par des trous de l’enveloppe qui laissaient le métal presque à nu. On le répara en toute hâte.

Les points choisis pour l’immersion du fil étaient : la côte de Douvres en Angleterre ; en France, le cap Gris-Nez, situé à sept lieues de Douvres, entre Boulogne et Calais.

Tout étant prêt, le 28 août 1850, le bateau à vapeur anglais le Goliath sortit du port de Douvres, pour se rendre à l’extrémité de la jetée. On avait disposé au milieu du bateau, un immense treuil, autour duquel s’enroulait toute la longueur du fil métallique, recouvert de son fourreau de gutta-percha. Sur le bâtiment se trouvaient, M. Jacob Brett, MM. Wollaston et Crampton, ingénieurs chargés de l’exécution des appareils, MM. Francis Edwards, Reid et quelques autres savants ou principaux actionnaires de l’entreprise.

La première opération devait consister à amarrer solidement le fil conducteur sur la côte. La portion du fil destinée à reposer sur le sol, était contenue dans une enveloppe de plomb, de la longueur de 300 mètres, afin de la préserver du frottement contre le rivage.

Cette opération, c’est-à-dire la pose de la partie du conducteur qui devait reposer sur le rivage, étant terminée, et le bout solidement fixé sur la terre, le Goliath se dirigea vers le cap Gris-Nez. Au signal de laisser tomber, l’opération du dévidement et de la pose du fil commença (fig. 104). À mesure qu’on le déroulait du tambour placé sur le pont, le câble passait sur un rouleau de bois, à l’arrière du bâtiment. On le retenait de temps en temps, pour en lester les portions successivement immergées. À cet effet, on le chargeait de poids de plomb de 8 à 12 kilogrammes, destinés à l’entraîner au fond de la mer ; le nombre de ces poids était de vingt-quatre à quarante-huit, par lieue.

Les deux opérations du déroulement du fil et de son chargement, s’exécutèrent avec précision. Le Goliath était précédé d’un autre bateau à vapeur, le Widgeon, qui indiquait, par des bouées flottantes, la ligne à suivre. La profondeur de l’eau aux points choisis pour la submersion, variait de 10 à 75 mètres. Tout en se dévidant et allant se fixer ainsi sur le fond de la mer, le fil conducteur était entretenu en communication