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suc qui s’en écoule et que l’on recueille, forme, par la dessiccation, la gutta-percha.

La taille de l’Isonandra gutta va jusqu’à 20 mètres ; son feuillage est riche et touffu. Cet arbre est fort répandu dans les archipels de la Malaisie (Océanie), et c’est du port de Singapore, que vient presque toute la gutta-percha que le commerce introduit en Europe.

Les naturels des îles de l’Océanie n’exploitent pas l’Isonandra gutta par incisions régulières et convenablement ménagées. Souvent ils abattent l’arbre, pour en extraire tout le suc qu’il contient, et qui peut s’élever jusqu’à 18 kilogrammes par pied. Trois cent mille Isonandra furent ainsi coupés aux environs de Singapore ; par cette opération barbare cette espèce végétale disparut un moment du commerce. À Bornéo et à Sumatra on mélange la vraie gutta-percha avec le suc d’autres essences analogues.

La gutta-percha semble se composer de caoutchouc et d’un peu de résine. Elle diffère surtout du caoutchouc par sa plus grande consistance : à la température ordinaire, elle a la consistance des gros cuirs. Elle conserve de la souplesse, même à 10° au-dessous de zéro. En passant de + 25° à + 48° elle se ramollit et devient pâteuse : les rayons solaires de l’été produisent le même effet à sa surface. À 60° elle est molle et plastique : on peut la laminer en feuilles, l’étirer en fils et reproduire par la pression, tout le fini des moules. À 120° elle fond, mais peut reprendre sa forme habituelle si on la ramène à sa température première. Par la vulcanisation, c’est-à-dire, par son mélange avec le soufre, opéré par l’intermédiaire de la chaleur, la gutta-percha devient dure comme de la pierre, inaltérable par la chaleur et propre à la refonte.

On reçoit, en Europe, la gutta-percha sous la forme de poires, brunes ou blanchâtres, dont le poids s’élève de 1 à 4 kilogrammes. Comme les naturels introduisent dans sa masse des pierres, de la terre et autres objets qui la souillent, il faut la purifier, et on le fait par des moyens analogues à ceux qui servent à la purification du caoutchouc.

Matière tenace, légère, inaltérable par les agents chimiques, s’usant peu, pouvant recevoir toutes les formes quand elle a été ramollie, prenant par le refroidissement, une consistance intermédiaire entre celle du cuir et celle du bois, tout en conservant une légère élasticité, la gutta-percha a reçu dans l’industrie des applications nombreuses et variées : elle remplace le cuir ou le bois pour la confection d’un grand nombre d’instruments ou d’outils, et pour ces mille objets que réclament les besoins de l’industrie ou de la vie usuelle.

C’est à cette précieuse matière qu’on doit, comme nous le verrons dans une autre notice, les progrès de la galvanoplastie. Si l’on applique un bloc de gutta-percha chaude, sur l’objet qu’on veut reproduire, et qu’on le presse fortement contre cet objet, la gutta-percha pénètre peu à peu dans les détails les plus délicats du modèle. On l’enlève encore molle, et en devenant rigide par le refroidissement, elle garde l’empreinte qu’elle a reçue. On recouvre alors ce moule de plombagine, pour y opérer le dépôt de cuivre par l’électricité.

La gutta-percha oppose une prodigieuse résistance à l’action de l’eau salée. Son inaltérabilité par les acides, les alcalis et les dissolutions salines diverses, la rend précieuse dans le laboratoire du chimiste et dans la manufacture de l’industriel.

Ainsi la gutta-percha, qui est un excellent isolateur électrique, présente, en outre, la propriété de résister, d’une manière absolue, à l’action de l’eau de la mer. Cette double circonstance a déterminé son emploi dans la confection des câbles de la télégraphie sous-marine. Si l’on enferme dans une gaîne de gutta-percha le fil métallique d’un câble sous-marin, ce conducteur se trouve ainsi garanti, tout à la fois de la