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convénient d’être cher et de s’altérer promptement au milieu de l’eau.

L’importation en France de la gutta-percha permit seule de résoudre ce grand problème pratique. La gutta-percha, qui fut importée en Europe, en 1849, par la mission qu’avait envoyée en Chine le gouvernement français, et qui fut introduite en Angleterre, par M. Montgomery, chirurgien de Singapore, vint fournir la substance si longtemps cherchée. La gutta-percha est un corps qui ressemble beaucoup au caoutchouc, mais qui a sur cette dernière substance, l’avantage, capital dans le cas qui nous occupe, d’être absolument inaltérable dans l’eau, douce ou salée ; ce qui la rend vraiment inappréciable comme enveloppe isolatrice des conducteurs sous-marins.

Nous rappellerons en quelques mots, les tentatives qui avaient été faites, pour la création de la télégraphie sous-marine, avant que l’on eût connaissance de la gutta-percha, et lorsqu’il fallait s’adresser à des corps isolants de propriétés plus ou moins avantageuses.

Fait assez singulier, c’est dans l’Inde, dans l’Inde anglaise, que fut faite la première expérience, tendant à placer sous l’eau un conducteur télégraphique. En 1839, sir O’Shanghuessy, qui s’occupait d’établir dans l’Inde des lignes de télégraphie électrique, à l’imitation des essais qui se faisaient à la même époque, en Angleterre, fit la première expérience relative à la transmission des courants sous l’eau. Il immergea dans le fleuve Hougly, l’une des bouches du Gange, près de Calcutta, un fil de cuivre, aboutissant à des appareils télégraphiques. Des signaux furent ainsi transmis d’une rive à l’autre. Cette expérience suffisait pour établir la possibilité des lignes sous-marines.

En 1840, M. Wheatstone soumit à la chambre des communes d’Angleterre, le projet d’un câble sous-marin, destiné à relier Douvres à Calais. Il indiquait les moyens d’exécution, et la manière de construire le câble. Mais le conducteur qu’il proposait avait de si mauvaises qualités conductrices, qu’on ne put même le mettre à l’essai.

Quelque temps après, c’est-à-dire en 1842, M. Morse, en Amérique, faisait la première expérience de télégraphie sous-marine proprement dite. Il déposait un câble assez bien isolé dans le port de New-York, faisait circuler un courant électrique le long de ce conducteur, et démontrait ainsi qu’un fil télégraphique convenablement isolé, peut traverser la mer.

D’un autre côté, le colonel Colt, l’inventeur du révolver, et M. Robinson, de New-York, immergèrent un fil au travers de la rivière, de New-York à Brooklyn, et de Long-Island à Coney-Island.

Ainsi, les premiers pas étaient faits ; les premiers essais de télégraphie sous-marine étaient exécutés. Mais lorsque les lignes prenaient une extension de plusieurs lieues, les difficultés pratiques à vaincre devenaient immenses, en raison de la prompte altération du caoutchouc, ou des autres substances que l’on employait alors pour isoler le conducteur. Il fallait trouver une matière suffisamment isolante pour qu’un fil métallique qui en serait enveloppé, ne laissât pas disséminer l’électricité dans les eaux de la mer, milieu éminemment conducteur.

La question se trouvait ainsi arrêtée dès son origine, lorsque, en 1849, la gutta-percha, comme nous l’avons dit, fut importée en Europe. Il ne sera pas hors de propos de donner quelques renseignements sur cette substance, qui a rendu tant de services à la télégraphie sous-marine.

La gutta-percha est un suc végétal concret, qui rappelle, par plusieurs de ses caractères, le caoutchouc. Ce suc, dans l’état de vie, circule entre l’écorce et l’aubier d’un grand et bel arbre l’Isonandra gutta, propre aux îles de l’Océanie, et qui croît en abondance à Bornéo, à Java, à Ceylan. Quand on pratique une incision au tronc de cet arbre, le