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s’attendaient à des accidents terribles. Mais le télégraphe électrique eut bientôt dépassé la fugitive, et en quelques minutes l’événement était transmis à la station de Camden. On eut le temps de tourner les aiguilles de manière à diriger la locomotive égarée sur une voie latérale, où elle ne rencontra que quelques wagons de charge qui arrêtèrent sa course désordonnée.

Le 22 décembre 1854, il se passa sur le chemin de fer de Rion à Dax, dans le département des Landes, un épisode des plus émouvants. Dans un wagon occupé par plusieurs voyageurs, se trouvait une dame des environs de Dax, avec sa fille, âgée d’environ trois ans. Celle-ci, dans un brusque mouvement, se jette contre la portière qui s’ouvre ; et l’enfant tombe sur la voie. La mère, éperdue, veut se précipiter après sa fille ; mais les voyageurs la retiennent, et joignent leurs cris à ceux de cette infortunée, pour faire arrêter le train. Malheureusement ces cris ne sont pas entendus, et l’on arrive à la gare de Dax, où se trouvait le père de la petite fille, attendant la venue du convoi. On juge de la poignante scène qui se passa entre cette mère éplorée et son mari.

Mais déjà le télégraphe électrique avait signalé l’événement sur la ligne, et arrêté à Rion, un nouveau convoi qui se mettait en route. Une locomotive de secours est expédiée, de la gare de Dax, sur le lieu de l’accident. En approchant de l’endroit désigné, la locomotive ralentit sa marche, et bientôt les éclaireurs aperçoivent la petite fille endormie sur la voie, la tête appuyée sur un rail. Elle est aussitôt recueillie, et la locomotive revient à toute vitesse à son point de départ. L’enfant, à son arrivée, se jette dans les bras de sa mère, et après l’avoir couverte de baisers, lui dit :

« J’ai faim, maman, donne-moi du pain ! »

Les journaux anglais ont raconté avec beaucoup de détails le fait suivant, qui produisit à Londres une vive sensation, et qui fournit une preuve éclatante de l’utilité du télégraphe électrique.

Au mois de janvier 1844, un horrible assassinat fut commis à Salthill. L’assassin, nommé John Tawell, s’étant rendu précipitamment à Slough, y prit une place pour Londres, dans le train du chemin de fer qui passait, à cette station, à 7 heures 42 minutes du soir. La police, avertie du crime, était déjà à sa poursuite. Elle arriva à Slough, sur les traces du coupable, presque au moment où le convoi du chemin de fer devait entrer dans Londres. Mais le télégraphe électrique fonctionnait, et pendant que le meurtrier, confiant dans la vitesse extraordinaire du convoi, se croyait en sûreté parfaite, le message suivant volait sur les fils du télégraphe :

« Un assassinat vient d’être commis à Salthill. On a vu celui qu’on suppose être l’assassin prendre un billet de première classe pour Londres, par le train qui a quitté Slough à 7 heures 42 minutes du soir. Il est vêtu en quaker avec une redingote brune qui lui descend presque sur les talons. Il est dans le dernier compartiment de la seconde voiture de première classe. »

Arrivé à Londres, John Tawell se hâta de monter dans l’un des omnibus du chemin de fer. Blotti dans un coin de la voiture, il se croyait dès ce moment à l’abri de toutes les atteintes de la justice. Cependant le conducteur de l’omnibus, qui n’était autre chose qu’un agent de police déguisé, ne le perdait pas de vue, sûr de tenir son homme, comme un rat dans une souricière. Parvenu dans le quartier de la Banque, John Tawell descendit de l’omnibus, se dirigea vers la statue du duc de Wellington et traversa le pont de Londres ; il entra ensuite au café de Léopard, dans le Borough, et se retira enfin dans une taverne du voisinage. L’agent de police qui, attaché à ses pas, l’avait suivi dans toutes ses évolu-