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La bataille de Fontenoy, gagnée sur les Anglais par Louis XV et le maréchal de Saxe, fut livrée le 11 mai 1745 ; la nouvelle n’en fut connue à Paris, et annoncée par la Gazette de France, que le 15 mai suivant, c’est-à-dire quatre jours après.

La nouvelle de la bataille d’Austerlitz, livrée le 2 décembre 1805, ne parut au Moniteur que le 12 décembre suivant, c’est-à-dire dix jours après ; elle fut apportée par le colonel Lebrun, aide de camp de l’empereur Napoléon Ier. Le rapport détaillé de cette mémorable bataille, qui forme le trentième des bulletins de la grande armée, ne fut publié par le Moniteur que quatre jours plus tard, c’est-à-dire le 16 décembre.

La prise d’Alger eut lieu le 5 juillet 1830 ; la nouvelle n’en fut connue à Paris que le 13 juillet au soir.

Ainsi en 1745, il fallait quatre jours pour connaître le résultat d’une bataille importante livrée à Fontenoy, éloigné seulement de Paris d’environ 75 lieues. En 1805, il fallait dix jours pour connaître le résultat d’une bataille livrée à Austerlitz, éloigné de Paris d’environ 400 lieues. En 1830 il fallait huit jours pour faire parvenir à Paris des nouvelles d’Alger.

À cette lenteur d’expédition comparez la prodigieuse rapidité du télégraphe électrique.

Le discours prononcé par l’empereur des Français, le 18 janvier 1858, pour l’ouverture de la session législative, fut transmis de Paris à Alger, en deux heures par le télégraphe de Paris à Marseille et le fil sous-marin. Expédié dans la soirée du 18, il était affiché, le 19 au matin, dans les rues d’Alger.

Pendant la guerre de Crimée, en 1855, au moment du siège de Sébastopol, une dépêche pouvait être transmise en treize heures, du camp français, à Paris, grâce au fil télégraphique qui s’étendait de Paris en Crimée. Ce fil n’interrompait son cours qu’à divers intervalles, qui, réunis, pouvaient être franchis en douze heures par des courriers. La distance était de 900 lieues.

Les communications de l’Angleterre avec l’Inde, nous fournissent un autre exemple comparatif, tout aussi frappant, du progrès qu’a fait dans notre siècle, la rapidité des communications.

Pour recevoir des nouvelles de leurs possessions dans l’Inde, les Anglais étaient contraints, au commencement de ce siècle, d’attendre l’arrivée des bâtiments, qui mettaient cinq mois à ce trajet. Plus tard, par l’établissement des services des malles de l’Inde et du chemin de fer, les communications ont pu se faire, entre l’Angleterre et l’Inde, en deux mois.

En 1858, grâce aux chemins de fer et aux quelques lignes télégraphiques disséminées en Orient, qui se rattachaient à celles de l’Europe, on recevait, dans la Cité de Londres, en vingt-cinq jours, des nouvelles de l’Inde, éloignée d’environ 5 000 lieues.

Depuis 1865, la ligne télégraphique dont nous ferons connaître plus loin le tracé exact, fonctionne sans aucune solution de continuité, et l’on reçoit des dépêches télégraphiques en dix heures !

Si maintenant nous voulions pousser ces comparaisons au delà de toute espèce de terme, nous n’aurions qu’à citer le prodigieux tour de force que réalise souvent le câble transatlantique de Valentia (Irlande), à Terre-Neuve et à New-York. On sait que, par suite de la différence des longitudes, une dépêche expédiée de Londres par le télégraphe sous-marin, qui part de Valentia, arrive en Amérique avant l’heure de son départ d’Europe ! En voici un curieux exemple. Au mois de mars 1867, une dépêche annonçant le cours de la bourse de Londres arriva et fut affichée à New-York à midi. Or, cette dépêche était partie de Londres, le même jour, à la clôture de la bourse, c’est-à-dire à 4 heures ! La dépêche était donc arrivée avant d’être partie !