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conducteurs, restés intacts et dans une direction qui était celle du calorifère du cabinet.

« Enfin, quatre des poteaux de sapin servant de supports aux lignes télégraphiques, et qui étaient voisins du pont d’Ingrande, ont été renversés, l’un d’eux tordu sur lui-même et les trois autres brisés en éclats, déchirés avec torsion des fibres ligneuses sur elles-mêmes et jusqu’au centre de l’arbre résineux. »

Un accident du même genre fut observé, le 9 juillet 1855, sur la ligne de Paris à Orléans. La décharge électrique se fit sur les fils télégraphiques de Paris à Orléans, à 400 mètres environ de la station de Château-Gaillard, vers Artenay, à 7 kilomètres de la ferme de la Grange, qui fut incendiée au même instant par la foudre. Trois poteaux furent brisés, et les supports de porcelaine des fils volèrent en éclats sur la voie. L’électricité suivant les fils, entra dans le bureau du chef de gare, avec une explosion terrible. Son cours fut arrêté par le paratonnerre, dont elle noircit et émoussa les dentures, sans pourtant les endommager. Les aiguilles des deux boussoles furent mises hors de service. Le cantonnier ressentit dans sa maison, située à peu de distance, une violente commotion ; et il assura avoir vu un globe de feu tomber sur les fils. Il fallut remplacer les poteaux de la ligne et les boussoles de la station.

Pendant un orage arrivé au mois de mai 1866, des dégâts sérieux furent commis dans plusieurs bureaux télégraphiques des différentes lignes avoisinant Paris. Dans la salle des piles du poste central des télégraphes de Paris, on voyait des étincelles électriques jaillir des nombreux conducteurs qui remplissent cette salle. L’électricité atmosphérique arrivait de l’extérieur, par les fils des différentes lignes, avec une telle intensité, que ces conducteurs ne pouvant lui donner un écoulement suffisant, le fluide s’élançait sur les corps voisins et les foudroyait littéralement.

Si le coup de foudre n’a pas assez de violence pour endommager les supports placés le long de la voie, ou pour rompre le fil de l’électro-aimant, il peut cependant produire encore certains effets désagréables. La présence dans les conducteurs, d’un excès d’électricité étrangère, fait que l’électro-aimant est, à diverses reprises, fortement attiré ; il s’établit ainsi, dans l’appareil destiné à former les signaux, une série d’oscillations folles qui persistent pendant plusieurs minutes. Sur le télégraphe Morse et le télégraphe Hughes, qui écrivent eux-mêmes leurs dépêches, on voit quelquefois l’instrument, subitement mis en action par l’électricité atmosphérique, inscrire sur le papier une série de signes confus et précipités : c’est l’éclair qui envoie son message et qui consigne lui-même sa présence par écrit.

Disons enfin que l’appareil télégraphique peut être influencé, bien que la foudre n’ait pas directement frappé le conducteur. Quand un nuage électrisé se décharge à quelque distance du fil du télégraphe, il s’établit aussitôt dans le conducteur, un de ces courants électriques que l’on nomme courants d’induction, et qui est provoqué par le voisinage de la décharge atmosphérique. Ce courant d’induction fait parler les appareils, mais cet accident n’a aucune importance.

En résumé, et si l’on fait abstraction de quelques événements accidentels dont la gravité ne peut être prise comme règle, les troubles occasionnés dans les appareils télégraphiques, par l’électricité de l’atmosphère, n’ont habituellement rien de grave, et ne peuvent que très-rarement compromettre le service. Ce n’est qu’au moment d’un orage que l’électricité atmosphérique peut causer sur la ligne de véritables dégâts. Alors les fils sont traversés par des courants assez intenses pour mettre les appareils télégraphiques hors de service, pour détruire l’aimantation des aiguilles des boussoles, pour chauffer jusqu’au rouge les fils de l’électro-aimant, et tellement sur-aimanter ces électro-aimants, qu’on soit forcé de les remplacer.