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la machine à signaux qu’il imagina vers 1690 serait restée à jamais inconnue, si le hasard ne s’en était mêlé.

Mademoiselle Chouin, maîtresse du premier dauphin, fils de Louis XIV, entendit parler, à Versailles, de la découverte d’Amontons. En sa qualité de favorite, mademoiselle Chouin avait ses caprices ; elle eut la fantaisie de voir fonctionner la machine du savant. Mais mademoiselle Chouin avait d’autres qualités : elle avait du cœur, elle s’intéressa à la fortune du pauvre inventeur. Elle ne manquait pas d’ailleurs, d’un certain esprit d’intrigue ; ce qui fit qu’en dépit de l’indolence et de l’apathie du dauphin, elle obtint de lui la promesse d’une expérience publique.

L’expérience eut lieu dans le jardin du Luxembourg, mais elle tourna fort mal. La présence du dauphin, les brillants costumes des seigneurs qui l’entouraient, tout cet étalage solennel et inusité, troublèrent le savant. Sa surdité augmentait son embarras et sa confusion. Il manœuvra tout de travers et ne put transmettre aucun signal. Le prince se mit à bâiller, tous les courtisans l’imitèrent, et la séance se termina sur cette triste impression.

Cependant mademoiselle Chouin ne se découragea pas. Elle obtint une seconde épreuve qui se fit en présence de la dauphine. Cette fois les choses marchèrent mieux, mais tout le crédit de la favorite ne put aller plus loin. Que pouvait-elle obtenir de plus de la nullité d’un prince, qui, au rapport de Saint-Simon, depuis qu’il était sorti des mains de ses précepteurs, « n’avait de sa vie lu que l’article Paris dans la Gazette de France, pour y voir les mariages et les morts » ?

Amontons, découragé, abandonna sa découverte. Il se consola de cet échec, en prenant place, quelques années plus tard, sur les bancs de l’Académie des sciences.

On a beaucoup vanté les encouragements et les honneurs qui furent accordés sous Louis XIV aux lettres et aux beaux-arts. Il faudrait ajouter, pour tout dire, que les sciences participaient rarement de ces hautes faveurs. Quand Louis XIV eut fondé l’Académie, lorsqu’il l’eut installée au Louvre, et qu’il eut ainsi fait aux académiciens la politesse royale de les recevoir chez lui, il se crut suffisamment acquitté envers la science. Cinq ou six pensions accordées à quelques savants bien en cour, adulateurs émérites de la trempe de Fontenelle ou de Fagon ; en de rares occasions quelques visites solennelles aux académiciens assemblés : voilà à peu près à quoi se réduisit la protection du grand roi. On cesse d’être surpris de la lenteur qu’a présentée, au xviie siècle, le développement des sciences, quand on songe qu’elles avaient Louis XIV pour protecteur. On vient de voir comment fut accueillie l’idée d’Amontons, qui renfermait le germe de la télégraphie moderne ; quelques années après, un autre inventeur se présenta avec une découverte semblable, et il ne fut pas mieux traité.

Cet autre inventeur s’appelait Guillaume Marcel ; il occupait à Arles la place de commissaire de la marine. Après plusieurs années de recherches, il était parvenu à construire une machine qui transmettait des avis dans le seul intervalle de temps qu’il aurait fallu pour les écrire. Les expériences faites à Arles, et dont le procès-verbal existe encore, ne laissent aucun doute à cet égard. Les mouvements de la machine s’exécutaient, dit-on, avec une rapidité égale à la pensée. En outre, l’appareil fonctionnait de nuit aussi bien que de jour ; il représentait donc le phénix tant cherché de la télégraphie nocturne.

L’inventeur se refusa à publier sa découverte ; il voulut d’abord la mettre sous l’invocation et la protection du roi.

Marcel avait déjà servi Louis XIV. Avocat au conseil, il avait suivi M. Girardin à l’ambassade de Constantinople. Nommé ensuite commissaire près du dey d’Alger, il y conclut le traité de 1677, qui rétablit nos relations commerciales dans le Levant. C’est en ré-