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Il saisit de ses deux mains, les deux manivelles qui font mouvoir les aiguilles, et transmet la dépêche, en faisant rapidement manœuvrer en divers sens cette poignée, qui imprime à ses aiguilles et à celles de son correspondant des mouvements saccadés désignant telle ou telle lettre de l’alphabet électrique. Le message, reçu à la station où il a été envoyé, est immédiatement copié et porté à son adresse par un piéton attaché à l’établissement.

Les dépêches expédiées des différentes stations du royaume et aboutissant à Londres sont reçues dans la même salle aux instruments, dont nous venons de voir partir un message. La manœuvre pour la réception est tout aussi simple que celle de l’envoi. Deux employés se tiennent au-devant de l’appareil qui transmet la dépêche. L’un d’eux lit les mots à mesure qu’ils se présentent, et les dicte à son camarade. Cette dictée est si rapide que la plume a de la peine à la suivre. Quand un mot n’a pas été bien compris, l’employé en informe son correspondant par un signal particulier, et celui-ci recommence. La dépêche terminée, celui qui l’a reçue relit le manuscrit pour s’assurer qu’aucune erreur n’a été commise. L’heure et la minute de la réception sont notées ; la copie est signée et elle descend au bureau d’enregistrement, où elle est transcrite sur un registre, et enfin envoyée à son adresse par un facteur.

Indépendamment de la transmission des messages particuliers, la Compagnie du télégraphe électrique a établi, au centre des principales villes du royaume, des bureaux où l’on peut recevoir et d’où l’on peut expédier à toutes les autres stations, des renseignements et des communications de différente nature. Il y a, à chacune de ces stations, une salle pour les abonnés, dans laquelle on affiche sur des tableaux, au fur et à mesure qu’elles arrivent, toutes les informations d’un intérêt public ou commercial, telles que le cours de la bourse de Londres, les mercuriales des différents marchés, le prix courant des marchandises dans les principaux centres manufacturiers, l’état de la mer et de l’atmosphère pris à 9 heures du matin dans les divers ports, l’arrivée et le départ des navires, les sinistres de mer, les nouvelles du sport et du parlement, les nouvelles générales, etc.

Dans la grande salle du poste central de la Compagnie télégraphique de la rue Lothbury aboutissent plus de cent fils télégraphiques. Cent jeunes filles y manœuvrent à la fois le télégraphe à aiguille : elles reçoivent, en moyenne, 90 francs par mois. Dans la ville de Londres, près de mille autres jeunes filles exercent la même profession.

Le poste central communique avec quelques bureaux de la ville, au moyen de tubes atmosphériques. En Angleterre, la correspondance télégraphique n’étant gênée par aucune loi, il n’existe pas, comme en France, de lignes télégraphiques affectées au service de l’État. Les dépêches du gouvernement suivent donc la même voie que celle des particuliers.

Il s’est formé plus récemment à Londres, une compagnie de télégraphie privée (Universal telegraph private company) qui établit des fils télégraphiques à l’usage des particuliers, tels que commerçants, fabricants, marchands, armateurs, directeurs de journaux, etc. Moyennant un abonnement annuel, cette compagnie établit et entretient des télégraphes particuliers, qui rendent les plus grands services au travail et à l’industrie. Les fils sont en cuivre très-fin, recouvert de caoutchouc, et entouré d’un ruban de fil. Les appareils sont des télégraphes à aiguilles du système Wheatstone.

L’Angleterre est un des pays dans lesquels la télégraphie a pris le plus d’extension. Il y a en Angleterre plus de mille bureaux télégraphiques, qui envoient plus de deux millions de dépêches par an. On donne quelquefois, à Londres, des soirées télégraphiques destinées à l’amusement des ladys désœuvrées.