Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la fin du dernier siècle, par les frères Chappe.

Rollin nous dit pourtant que cette méthode ne produisit que de médiocres résultats, car elle ne pouvait porter les avis qu’à une faible distance. Il est vrai que, pour signaler un seul mot, il fallait exécuter un si grand nombre de mouvements de torches, qu’une nuit entière devait à peine suffire à transmettre une phrase de quelques mots, chaque lettre exigeant 5 à 6 signaux.

Toutefois, en dépit de son imperfection pratique, cette méthode était excellente, et l’on peut dire que la télégraphie aérienne était créée, car la désignation conventionnelle des lettres de l’alphabet est un très-bon moyen télégraphique.

Les Romains empruntèrent aux Grecs la télégraphie, mais ils la perfectionnèrent peu. L’esprit d’invention et de recherches manquait au peuple romain qui ne sut jamais qu’emprunter à la Grèce ses inventions et ses idées, sans y rien ajouter d’important.

Ce n’est même qu’un peu tard, c’est-à-dire au temps des guerres puniques, que les Romains adoptèrent la télégraphie. Ils l’avaient sans doute apprise de Polybe, qui fut le commensal de Scipion, ou bien encore d’Annibal, qui avait fait élever des tours d’observation en Afrique et en Espagne, et qui faisait usage de feux d’un tel éclat qu’ils étaient visibles jusqu’à la distance de 67 500 pieds romains.

Quoi qu’il en soit, vers le temps de César, la télégraphie était devenue très en usage chez les Romains. Ils établissaient partout où s’étendaient leurs conquêtes, un système de communications rapides, qui favorisait singulièrement l’exercice de leur autorité sur les peuples soumis à leur domination.

César fit grand usage des signaux de feu dans son expédition des Gaules. La certitude et la rapidité des mouvements de son armée, ne peuvent s’expliquer que par l’emploi multiplié des signaux militaires.

Du reste, les Gaulois eux-mêmes se servaient des mêmes moyens, pour déjouer la stratégie des Romains. C’est ce que nous apprend César lui-même dans ses Commentaires :

« Lorsqu’il arrivait, dit César, des événements extraordinaires, les Gaulois s’avertissaient par des cris qui étaient entendus d’un lieu à l’autre ; de sorte que le massacre des Romains, qui avait été fait à Orléans, au lever du soleil, fut su à neuf heures du soir en Auvergne, à quarante lieues de distance. »

Sous les empereurs, tous les pays soumis à la domination romaine étaient, comme on le sait, sillonnés d’admirables routes. Le long de ces routes, s’élevaient, de distance en distance, des tours, destinées à transmettre les signaux. On avait relié ensemble l’Asie et l’Afrique par des tours allant de la Syrie à l’Égypte et d’Antioche à Alexandrie. Une multitude de villes étaient ainsi rattachées à la métropole des bords du Tibre. En Italie 1 197 villes, 1 200 dans les Gaules, 306 dans l’Espagne, 500 en Asie, formaient du nord-ouest au sud-ouest, une ligne télégraphique qui n’avait pas moins de 1 400 lieues de longueur[1].

Les ruines de quelques tours élevées par les Romains, pour servir à ces communications, se voient encore en France. À Nîmes, la Tour magne, qui domine l’admirable promenade de la fontaine, les hautes tours d’Uzès, d’Arles et de Bellegarde, avaient été construites, d’après l’opinion des archéologues modernes les plus accrédités, pour recevoir des vedettes, des vigies, des sentinelles romaines, qui échangeaient rapidement des avis avec les contrées voisines.

Tibère, retiré sur son rocher de l’île Caprée, au sein de sa voluptueuse retraite, recevait de Rome, au moyen de signaux, qui volaient de phare en phare, des nouvelles des différentes parties de son empire[2].

Il n’est pas impossible de se représenter aujourd’hui la disposition d’un poste télégra-

  1. Bibliothèque britannique, nos 215, 216.
  2. Suétone.