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rappelle d’abord que tous les corps de la nature sont « composés et mixtionnés d’éléments…, comme, par exemple, le bois et toute autre chose que la terre procure sont mixtionnés du sec et de l’humide ». Dans le développement de ce théorème, qui est loin d’être toujours intelligible, l’auteur se propose de montrer qu’après la décomposition d’un corps par l’action de la chaleur, chacun de ses éléments retourne en son lieu, « comme, par exemple, le bois se détruit par le moyen de la chaleur, l’humidité s’évapore en haut, par extraction que fait la chaleur. Laquelle vapeur, venant à monter avec la chaleur jusqu’à la moyenne région, se quittent l’un l’autre, puis chacun retourne en son lieu, l’humidité retombant sur la terre, qui est ce que nous appelons pluie[1] ». Il donne à l’appui de ce fait une expérience confusément exposée, qui ne saurait réussir telle qu’il l’indique, et qui prouve qu’une certaine quantité d’eau évaporée par la chaleur retourne en eau en produisant la même quantité de liquide.

Le théorème II des Raisons des forces mouvantes est consacré à discuter le principe du plein universel, thème favori de la physique du moyen âge. Il est ainsi conçu : « Il n’y a rien à nous cogneu de vide. »

Dans les théorèmes suivants, l’auteur arrive aux divers moyens pour « élever l’eau plus haut que son niveau ».

Les quatre moyens que Salomon de Caus indique comme propres à élever l’eau sont : 1o le siphon, dans lequel l’eau monte d’abord au-dessus de son niveau dans la branche ascendante, pour s’écouler plus bas que son niveau dans la branche descendante ; 2o la capillarité des tissus de laine ou de coton ; 3o la compression de l’air, comme dans la fontaine de Héron, « laquelle, dit-il, est une invention fort gentille et subtile » ; 4o la vis d’Archimède, « de quoi parle Diodore, Sicilien, et dit qu’Égypte a été asséchée par la vis d’Archimède. Vitruve aussi en fait mention, comme aussi fait Cardan, et dit qu’un de Rubeis, Milanais, pensant être le premier inventeur de cette machine, en devint fou de joie. »


Fig. 10.
Voici enfin le dernier moyen d’élever l’eau, sur lequel on fait reposer la gloire de Salomon de Caus :

« L’eau montera, par aide du feu, plus haut que son niveau.

« Le troisième moyen de faire monter l’eau est par l’aide du feu, dont il peut faire diverses machines ; j’en donnerai ici la démonstration d’une.

« Soit une balle de cuivre marquée A, bien soudée tout à l’entour, à laquelle il y aura un soupirail marqué C, par où l’on mettra l’eau, et aussi un tuyau marqué AB, qui sera soudé en haut de la balle, et dont le bout approchera près du fond sans y toucher ; après faut emplir ladite balle d’eau par le soupirail, puis le bien reboucher et le mettre sur le feu : alors la chaleur donnant contre ladite balle, fera monter toute l’eau par le tuyau AB[2]. »

Tel est l’appareil qui, selon Arago, « est une véritable machine à vapeur propre à

  1. Il ne faudrait pas conclure de l’emploi du mot vapeur par l’auteur des Raisons des forces mouvantes, qu’il possédât des notions exactes sur la vaporisation des liquides. Le terme de vapeur existait dans le langage, parce qu’il représentait une forme de la matière depuis longtemps observée ; mais la nature du phénomène qui donne naissance aux vapeurs était inconnue à cette époque. La théorie de la vaporisation, entièrement ignorée du temps de Salomon de Caus, fut encore un mystère plus d’un siècle après lui. Pendant tout le xviie siècle, on continua de confondre avec l’air atmosphérique les vapeurs qui se forment pendant l’ébullition des liquides. Salomon de Caus avait des idées si inexactes à cet égard, que, dans le théorème dont nous parlons, il prétend que la vapeur d’eau est plus légère que la vapeur de mercure, d’après ce fait, que la vapeur du mercure se condense sur la vaisselle dorée, tandis que la vapeur d’eau continue de s’élever dans l’air.
  2. Les Raisons des forces mouvantes, 1615, p. 4.