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VAN DYCK.

cent toutefois à se remarquer dans quelques œuvres de cette période. Il suffirait de citer la charmante série des portraits de Van Dyck jeune. Le maître y laisse entrevoir son génie futur. L’exagération des empâtements et des tons sanguins, la violence des lignes s’atténuent. Le grand portraitiste s’éveille.

Enfin le Van Dyck définitif apparaît dans le Saint Martin de Saventhem. Les masses colorées y sont distribuées habilement en vue de l’effet général. J’ai vu pour la première fois cette œuvre délicieuse à l’Exposition d’Anvers. Ses couleurs tendres, ses larges taches de gris argenté et de bleu céleste inspirées de Rubens, paraissaient employées sans goût. Le gris du cheval, l’azur du fond ne s’harmonisaient guère avec le rouge cru du manteau, le feu dur de la cuirasse, les bistrures opaques des ombres et des contours. L’apparente maladresse de l’ensemble ne me semblait rachetée que par la grâce juvénile du dessin. Mais les cimaises des expositions sont funestes. J’ai revu le Saint Martin dans l’église de Saventhem. Les couleurs chatoyaient avec douceur ; l’œuvre retrouvait sa place et son atmosphère familières ; elle vivait d’un charme singulièrement expressif et juste ; exécutée pour être mise à une certaine hauteur, dans une certaine lumière, elle devait perdre, à tout autre endroit, son équilibre si délicatement mesuré. Comme tous les maîtres de son temps, Van Dyck sentait profondément la valeur décorative de son art ; il s’entendait à animer les murailles d’un édifice ou d’une salle par des compositions