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le Retable de l’Agneau. Quant à ses œuvres, en dehors de la partie de l’Adoration qu’il peut avoir exécutée, — il n’en reste point de trace sûre. On lui a composé un catalogue hypothétique où les constatations des uns contredisent les affirmations des autres. Le Triomphe de l’Église sur la Synagogue ou Fontaine de vie (Prado) qu’on croyait une réplique d’une œuvre perdue de Hubert, a été restitué à l’art espagnol ; les Trois Marie au sépulcre (coll. Cook. Richmond) considérées comme un chef d’œuvre de l’aîné, ne sont ni de Hubert, ni de Jean, — les édifices du fond, noyés dans une atmosphère rougeâtre étant essentiellement différents des monuments si nets que les van Eyck évoquent dans leurs fonds urbains. La Vierge de Rothschild (la Vierge au Chartreux du Musée de Berlin en est une réplique d’ordre secondaire), le Saint François recevant les stigmates, de la pinacothèque de Turin, ne sont pas de Hubert mais de Jean. Il faut reconnaître toutefois que les types des Trois Marie au sépulcre de même que ceux du Calvaire et du Jugement dernier (Ermitage, Saint-Pétersbourg), également attribués à Hubert van Eyck, sont d’un archaïsme assez accentué et d’un réalisme naïvement farouche, que nous ne retrouvons dans les figures d’aucun autre peintre connu, si ce n’est parmi les docteurs, prophètes et apôtres de la partie centrale de l’Agneau mystique.

Nous ignorons la date exacte de la naissance de Jean van Eyck, — il faut la placer de 1380 à 1400, — mais nous avons de lui des chefs-d’œuvre authentiques. Comment ne pas croire van Mander, le vénérable auteur du Schilderboek quand il assure que Jean, dès son jeune âge, manifesta la plus vive intelligence et de hautes aptitudes pour le dessin ? Un contemporain, l’Italien Barthélémy Facius († 1437), dit que le cadet des van Eyck connut les livres de Pline, apprit l’art de distiller et ce que l’on savait alors de chimie. Ce n’est point lui comme on le croyait, mais un homonyme qui, en 1422, peignit un cierge pascal pour la cathédrale de Cambrai, et on trouve tout d’abord Jean van Eyck au service de Jean de Bavière, dit Sans Pitié, qui lui confie la décoration de son palais de la Haye, exécutée du 24 octobre 1422 au 11 septembre 1424. Suivant une récente hypothèse, le vieillard ridé et cossu désigné sous le nom de l’Homme à l’œillet (Musée de Berlin) serait Jean de Bavière lui-même, — à cause du tau et de la clochette qu’il porte sur la poitrine, insignes de l’ordre de Saint-Antoine fondé par Albert de Bavière, père de Jean Sans Pitié. Certains expriment l’opinion que l’Homme à l’œillet est une belle réplique d’un original perdu. À cette époque sans doute, Jean van Eyck peignit également un portrait de Jacqueline de Bavière, — œuvre perdue qu’on ne connaît que par une copie du XVIe siècle (Musée de Copenhague).

Le 19 mai 1425, un an avant la mort de son frère, Jean entre au service du duc de Bourgogne comme peintre et valet de chambre, par un décret rendu à Bruges