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est bien assez pour m’accabler, sans que j’y joigne encore l’amer regret d’être l’auteur de ses peines. Posséder ma Sophie est le plus grand, l’unique bonheur que le ciel puisse m’accorder encore ; mais je ne veux le devoir qu’à elle seule.

— Je ne vous flatterai point, mon enfant, je crains que ce bonheur ne vous soit pas réservé. Elle a refusé, dans les termes les plus formels, les plus énergiques, de répondre à vos vœux. Sa résolution m’a paru inébranlable ; et peut-être pouvez-vous l’expliquer mieux que moi.

— Hélas ! je ne le puis que trop bien. Mes torts envers elle m’ôtent tout espoir de pardon ; et malheureusement elle me juge dix fois plus coupable que je ne le suis en effet. Ô mon cher oncle, je ne vois nul moyen de réparer mes fautes. Toute votre bonté ne sauroit me sauver de ma ruine. »

En ce moment un domestique vint annoncer que M. Western étoit en bas. Son impatience ne lui avoit pas permis d’attendre jusqu’à l’après-midi. Jones pria son oncle d’entretenir l’écuyer pendant quelques minutes, afin qu’il eût le temps de sécher ses larmes et de se remettre un peu de son émotion. L’excellent homme y consentit, et donna ordre qu’on fît entrer M. Western dans le salon, où il alla le recevoir.

Mistress Miller, qui n’avoit pas vu Jones depuis sa sortie de prison, ne le sut pas plus tôt seul,