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gère, le malheur de la dernière des créatures humaines.

— Fort bien, je vous crois, et je pense que vous n’avez pas moins bonne opinion de moi.

— Je vous absous volontiers du crime de séduction ; ce que je ne vous pardonne pas, c’est de vous être fait aimer.

— Si cela est, j’en suis au désespoir ; mais le temps et l’absence effaceront bientôt du cœur de Nancy une impression trop tendre. J’ai moi-même besoin de ce remède, pour guérir la blessure de mon cœur ; car, s’il faut vous dire la vérité, jamais femme ne m’a été aussi chère que Nancy. Ô mon ami, recevez ma confidence tout entière. Mon père veut me marier à une jeune personne que je n’ai jamais vue, et qui est sur le point d’arriver à Londres. »

À ces mots Jones éclata de rire.

« Ne te moque point de moi, je t’en prie. Le diable m’emporte si je n’en perds pas la tête. Ma pauvre Nancy ! ô Jones, Jones, que n’ai-je une fortune indépendante !

— Je vous la souhaiterois de tout mon cœur ; car si la chose est ainsi, je vous plains sincèrement tous deux : mais assurément vous ne comptez pas vous en aller sans lui dire adieu ?

— Lui dire adieu ? je m’en garderai bien. Cette scène douloureuse, au lieu de produire un bon