Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/392

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une circonstance en ma faveur, le triste sort d’une femme perdue de réputation et dénuée de toutes ressources. Pensez-vous que la malignité humaine permette à cette brebis égarée de rentrer dans la bonne voie, en eût-elle le plus vif désir ? Je n’aurois sûrement pas hésité à prendre ce parti, si je l’avois pu. La nécessité me jeta dans les bras du capitaine Waters ; nous passâmes ensemble plus de douze ans, portant le même nom, sans être mariés. Je me séparai de lui à Worcester, au moment où il marchoit avec son régiment contre les rebelles. Le hasard me fit alors rencontrer M. Jones, qui me sauva des mains d’un scélérat. On ne sauroit dire trop de bien de lui. Parmi les jeunes gens de son âge, nul, à mon gré, n’a moins de défauts ; et il en est peu qui possèdent la moitié de ses bonnes qualités. Quelles qu’aient été ses erreurs passées, je suis convaincue qu’il a pris la ferme résolution de les réparer par une conduite irréprochable.

— Je l’espère, et je me flatte qu’il persévérera dans cette louable disposition. J’aime aussi à concevoir de vous la même idée. Le monde, il est vrai, se montre peu disposé à l’indulgence en pareil cas ; cependant le temps et la persévérance parviennent à désarmer sa rigueur. Sans être, comme le Ciel, toujours prêt à recevoir en grace le pécheur pénitent, il se laisse à la fin toucher