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avoit gardée jusque-là devenoit désormais peu nécessaire. Il laissa donc un libre cours à la langue de son ami, et le pria de lui dire franchement ce qu’il savoit par lui-même, ou par d’autres de lady Bellaston.

Nightingale dont le caractère léger et frivole tenoit beaucoup de celui des femmes, avoit aussi, comme elles, une forte inclination au babil. Aussitôt que Jones lui eut lâché la bride, il entra dans de longs détails sur la dame, et se permit d’en raconter nombre de traits peu honorables, que notre profond respect pour les femmes de qualité nous empêche de répéter ici. Nous nous gardons soigneusement de fournir aux futurs commentateurs de nos ouvrages l’occasion de faire de malignes applications, et de nous rendre, malgré nous, les instruments d’un scandale qui fut toujours loin de notre pensée.

Jones, après avoir écouté attentivement Nightingale jusqu’au bout, poussa un profond soupir. Son ami s’en aperçut : « Ouais ! dit-il, vous n’êtes pas amoureux, j’espère ? Si j’avois soupçonné que l’histoire de votre belle fît sur vous tant d’impression, je vous aurois épargné, je vous jure, la peine de l’entendre.

— Ô mon cher ami, je suis tellement enlacé dans les filets de cette femme, que je ne sais de quelle façon m’en tirer… Amoureux ? non, mon