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dernièrement à la table de l’écuyer, de mistress Western, tante de Sophie, et de Sophie elle-même.

Arrêtons-nous un instant, et jetons un coup d’œil sur le champ de bataille. D’un côté gisoit dans la poussière, pâle et sans haleine, le triste Blifil ; debout, près de lui, triomphoit l’heureux Tom Jones, tout couvert de son propre sang et de celui du révérend Thwackum ; de l’autre côté paroissoit le pédagogue, tel que le roi Porus, subissant à regret le joug du vainqueur ; et Western-le-Grand, comme un nouvel Alexandre, épargnoit généreusement son ennemi vaincu.

On s’empressa d’abord autour de Blifil, qui donnoit à peine quelques signes de vie. Mistress Western tira de sa poche un flacon de sels qu’elle lui faisoit respirer, quand tout-à-coup l’attention générale se détourna du pauvre jeune homme, qui demeura seul, en pleine liberté de faire, si bon lui sembloit, le voyage de l’autre monde.

Un objet plus aimable et plus touchant avoit attiré tous les regards. C’étoit la charmante Sophie étendue sans mouvement sur la terre. L’effusion du sang, le danger de son père, peut-être aussi sa crainte pour un autre, avoient glacé ses sens ; elle s’étoit trouvée mal, avant qu’on pût la secourir.

Mistress Western s’aperçut la première de son