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d’un troisième sentiment, plus puissant encore.

L’écuyer qui étoit devant avec ses piqueurs, revint en ce moment sur ses pas. Sophie lui apprit le malheur de Jones, et le pria de prendre soin du blessé. M. Western, à qui la rencontre du cheval échappé de sa fille avoit inspiré de vives alarmes, eut une extrême joie de la retrouver saine et sauve. « Je suis enchanté, s’écria-t-il, qu’il n’y ait rien de pis. Si Tom a le bras cassé, nous ferons venir un chirurgien pour le lui remettre. »

L’écuyer descendit de cheval, et gagna à pied le château, avec sa fille et Jones. Quiconque les eût rencontrés en chemin, auroit jugé sur la diverse expression de leurs physionomies, que Sophie seule étoit à plaindre. Jones triomphoit d’avoir, selon toute apparence, sauvé la vie de cette jeune personne aux dépens de son bras, et l’écuyer, quoique fâché de l’accident arrivé à Jones, ne paroissoit guère sensible qu’au plaisir de voir sa fille délivrée d’un si affreux péril.

Sophie envisagea la conduite de Jones comme la marque d’un grand courage, et elle en fut vivement touchée ; car le courage est sans contredit le meilleur titre de recommandation pour les hommes, auprès des femmes. L’intérêt qu’il excite en elles provient, s’il faut en croire l’opinion commune, de la timidité naturelle au sexe. « La femme, remarque M. Osborne avec moins de jus-