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prudence rocaleux

« Elle a peur, la vieille cuisinière, c’est amusant ! »

Prudence prononça non sans fermeté :

— Faut lui ménager une surprise à ce cher homme, vous lui annoncerez vos accordailles…

— Ce qu’il en sera épaté !

Prudence fut encore une fois désagréablement heurtée par cette liberté de langage, mais elle se traita de femme de l’ancien temps.

La jeune fille reprit :

— On se retrouvera dans une pâtisserie. Puisqu’il me connaît, je n’ai pas besoin de tenir un journal à la main, pour qu’il sache que c’est moi. Ce sera pour dimanche, à 16 heures, là, à droite. Et maintenant, au revoir et merci.

La protégée de Prudence fila comme un zèbre sur ses jambes fines, et la pauvre servante n’eut pas le temps de répondre. Hébétée, elle regarda l’enseigne de la boutique et murmura :

— Eh ben ! eh ben ! c’est rond ! Ça ne traîne pas en longueur comme du jujube… Elle saura gouverner… Faudra que je la voie à la Messe…

Prudence rentra chez ses patrons. À vrai dire, elle était un peu embarrassée de son personnage.

Elle n’avait pas trouvé la jeune fille tout à fait ce qu’elle aurait voulu ; mais elle était persuadée que les temps modernes transformaient totalement la jeunesse, et que partout il se glissait un laisser-aller fâcheux.

Un remords cheminait lentement à travers sa conscience. Elle se demandait si réellement c’était le bonheur qu’elle destinait à M’sieu Jacques ?

Elle s’avouait qu’elle cherchait surtout