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prudence rocaleux

sans que je puisse adresser un mot à c’te jeune demoiselle. Quand je me suis retournée, elle était partie… Alors, va-t-elle se plaindre ? Est-ce que j’irai en prison ? Ça me démonte…

Mme Dilaret ne répondit pas, fort embarrassée elle-même par la situation délicate où Prudence s’était placée.

Elle dit :

Le mieux est d’attendre les événements. Je pense que cette jeune fille ne vous gardera pas rancune et qu’elle oubliera cet incident.

— Pourquoi est-elle partie si vite ? Je suis vive, mais je me repens tout de suite. Je lui aurais expliqué gentiment : « Ça n’est pas la peine de raconter ça à vot’ papa ; il a bien d’autres choses à faire. Laissez-le aller tranquillement à son sanatorium. » Vous comprenez, Madame, qu’un sanateur ne va pas mettre une prison à ma disposition. Y n’y aurait plus de justice.

Tout à coup, le front de Prudence s’éclaira :

— Mais, j’y pense ! J’suis sauvée ! Monsieur est juge et il ira trouver ce gros bonnet, et lui dira que j’ suis une honnête femme, que jamais je n’ai voulu raconter une chose déplaisante. Si je parlais de fouetter quéque chose, c’était mes œufs à la neige, tout simplement ! Je sais que les juges savent arranger les choses.

— Vous êtes folle ! cria Mme Dilaret, scandalisée. Si je disais une chose pareille à mon mari, il vous jetterait à la porte tout de suite. La justice est une chose sérieuse…

— Ah ! ben, je ne l’aurais pas cru. J’ai vu un jour des avocats qui sortaient du tribunal, et ils ne se gênaient pas pour rire. Ce que je vois de clair dans mon affaire, c’est que Monsieur ne me viendra pas en aide. C’est agréable de servir dans la justice ! On ne peut même pas profiter de ses avantages. Vrai !