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CHAPITRE II

Gérard était heureux. Son esprit et son cœur étaient satisfaits. Il écrivit à son père qu’il avait trouvé une famille. Il esquissa le portrait de chacun des membres du foyer Laslay. Il raconta avec enthousiasme quelle existence de travail, de gaieté, d’ardeur, régnait dans ce milieu.

Avec Marcel, Gérard parcourait New-York, et c’était une fête pour lui de s’initier à la grande rumeur de la ville, au souffle intense de vie qui s’en dégageait.

C’était un repos délicieux pour lui, après avoir parcouru un coin de la vaste cité, que de rentrer avec son nouvel ami dans la ruche qui composait la maisonnée.

Gérard avait besoin de tout l’entourage. Il aimait les rires puérils des cadettes, les réflexions naïves du petit Maurice et la gravité souriante des jeunes filles.

Mme Laslay représentait plus que jamais pour lui la mère autour de qui chacun se groupait. Il avait beaucoup de mal pour se retenir de ne pas l’embrasser, comme le faisaient si simplement les enfants à leur retour. Il redevenait jeune garçon sans mère, sevré des baisers maternels. Il oubliait ses vingt-six ans, et sa jeunesse sérieuse. Six semaines claires passèrent dans cet état de choses ; six semaines où, semblable à un écolier, Gérard allait et venait de la banque à sa chambre et de sa chambre chez les Laslay.

Ne voulant pas paraître un ingrat, il procurait à ses amis quelques plaisirs sous la forme de billets de théâtre ou de concert. Et, un soir, les emmenant au restaurant, il les y traita magnifiquement.

Les enfants exultaient et savouraient ces largesses avec une joie non déguisée. Gérard devenait pour eux une sorte de prince pour qui rien n’était impossible.

Les parents, eux, trouvaient ces dépenses exagérées.

Simples, accoutumés à se priver du superflu et parfois même du nécessaire, ils avaient pris l’habitude de toutes les sobriétés, sans un regret pour les distractions extérieures. Ils avaient inculqué à leurs enfants le mépris pour toutes ces jouissances factices. Gérard bouleversait ces principes. Mais comment lui opposer des refus quand il offrait toutes ces amabilités avec tant de gentillesse ? Avaient-ils le droit de priver leurs enfants de quelques plaisirs anodins qu’ils ne pourraient jamais leur consentir, faute de moyens ?