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ÉPREUVES MATERNELLES

VIII


Denise passa encore la nuit chez Mme Pradon. Le lendemain matin, Rose remarqua son visage fatigué et elle faillit pleurer en lui disant :

— J’ai mal dormi aussi… Que la patronne est donc sotte de vous avoir renvoyée ! Si on lui demandait de vous garder ?

— Non, non, protesta Denise, n’essayons pas de la fléchir. Elle obéit à une crainte, et ce serait toujours à recommencer.

— Que vous reproche-t-elle ?

Denise hésita, mais Rose paraissait tant l’aimer, qu’elle jugea qu’elle pouvait l’éclairer.

— Mon Dieu ! vous serez peut-être surprise, petite Rose, en apprenant que Mme Pradon a peur que je m’occupe trop de ses enfants.

— Elle est jalouse ? s’écria Rose.

— Sans doute.

— Alors, il n’y a rien à faire, posa la jeune fille avec autorité. Les femmes jalouses sont des malades et cette maladie les reprend tout le temps. Je crois qu’il vaut mieux que vous partiez… Et puis, dès que vous serez dans une place où il faudra une femme de chambre, vous me ferez signe. Je me suis attachée à vous et je ne veux pas vous perdre, j’ai eu si peu de bonheur dans ma vie.

— Vous êtes jeune, petite Rose.

— Il faut tenir le bonheur présent… puis vous me rendez meilleure. Aussitôt que je ne vous vois plus, je redeviens méchante et mal élevée.

Denise eut la force de sourire.

Rose reprit :

— Je me souviens d’une maison où je crois que l’on est bien. Il y fallait une cuisinière. J’irai voir tout à l’heure si c’est encore libre. Comme femme de chambre, il y a une vieille domestique de la famille… donc, rien à faire pour moi. On appelle ces personnes les Dutoit.

Comme ce nom n’évoquait aucun souvenir dans la