Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
ÉPREUVES MATERNELLES

attitude quelque chose de si farouche que cela me fait peur. Vous paraissez toujours être en faute.

Denise avait baissé la tête. Elle sentait un tremblement intérieur la secouer.

Devait-elle s’épancher dans le cœur de cette mère ? Un instinct l’en dissuada. Pourquoi raconter sa douleur ? Pourquoi l’étaler devant des indifférents qui n’y prendraient aucun réel intérêt ?

Il valait mieux quitter cet emploi et trouver ailleurs subsistance et abri.

Mme Pradon essaya de pallier ses paroles :

— Je suis désolée de me séparer de vous, car je rends justice à votre honnêteté et à votre savoir-faire.

Ce que la jeune femme n’osait pas dire, c’est que cette honnêteté, cette parfaite politesse et ce talent de cuisinière lui paraissaient trop parfaits et elle craignait une fêlure. Il serait trop tard quand la catastrophe serait arrivée.

Cependant, elle espérait une explication de Denise, mais cette dernière ne la lui fournit pas et lui répondit simplement :

— Si Madame a des appréhensions, il est préférable que je quitte la maison.

Revenue dans sa cuisine, Denise fut questionnée par Rose :

— Que vous voulait Madame ?

La cuisinière hésita quelques secondes, puis elle murmura :

— Madame me renvoie.

— Non… c’est vrai ?

— Très vrai.

— Pourquoi… mais pourquoi ? Jamais Madame n’a eu une cuisinière comme vous !

Puis, sans transition, subitement, la jeune Rose sanglota désespérément et cria à travers ses sanglots :

— J’irai où vous irez !… je ne veux plus m’éloigner de vous… jamais plus !

Alors, Denise, poussée par son cœur maternel, entoura l’humble jeune fille de ses bras et l’embrassa comme une amie.