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ÉPREUVES MATERNELLES

La jeune femme lutta contre la fatigue et devint attentive.

— Dorénavant, vous ne sortirez plus.

Elle souleva les sourcils, mais ne proféra pas une parole.

— Vous n’irez plus dans le monde, et ne verrez plus personne. Pour nos relations, vous serez censée être partie pour vous soigner dans quelque maison de repos. L’air défait que l’on vous voyait permettra d’accréditer cette fable.

— Vous avez tout votre bon sens, Paul ?… s’écria Denise, stupéfaite.

— Vos enfants vous seront retirés, continua le mari impitoyable.

— C’est impossible !… clama Denise dans un élan de tout son être.

— Vous n’avez pas le droit d’avoir une volonté, et comme il faudra que vous vous occupiez durant ces longues heures de solitude, je renverrai tous les domestiques… Vous me servirez.

— Seigneur ! ayez pitié de moi !… murmura Denise.

— Ah ! vous vouliez dédaigner le luxe que je vous donne !… vous allez savoir ce que sont les travaux grossiers. Personne ne sera plus à vos ordres, mais vous serez dorénavant aux miens.

Les prunelles de Denise s’agrandissaient à mesure que les paroles sortaient des lèvres de son mari. Elle crut de bonne foi que sa raison s’égarait, et, ne voulant pas le contrarier, elle dit doucement :

— Comme vous voudrez, mon ami.

Elle se promettait de se lever vivement pour téléphoner au docteur. Elle regarda sa pendule : il n’était que huit heures, et elle n’osa pas demander à Paul s’il était souffrant.

Elle le voyait calme. Il lui disait qu’il rentrerait à midi pour déjeuner et recommanda que ce fût prêt.

Denise s’étonna. Jamais son mari n’avisait de l’heure à laquelle il rentrait.

Enfin, il quitta la pièce. Denise entendit décroître son pas dans les appartements silencieux.

Elle attendit cependant encore un peu pour téléphoner.

Comme les domestiques se couchaient tard, elle trouva inutile de sonner sa femme de chambre, et