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née sous une bonne étoile… Tous les jours, vous devriez me remercier d’avoir bien voulu vous donner mon nom !…

— Tous les jours, je le regrette, répliqua Denise en révolte.

— Et vous avez l’audace de me le dire ? rugit Domanet, les yeux flamboyants de colère… Je ne savais guère ce que cachait votre douceur…

Denise voulut quitter la pièce. Cette scène lui paraissait aussi odieuse qu’inutile. Elle perdait le respect de soi-même dans cette lutte avec un être qui ne voulait pas la comprendre.

— Restez ici, lui ordonna son mari, et dites-moi à quel mobile vous avez obéi en passant outre à mes désirs ?

— J’ai voulu réconforter mon frère… Il est malade, il est souffrant, et je suis sa seule affection après les déshérités et les pauvres qui sont devenus sa famille. La lettre que vous m’aviez permise était si sèche et si dure que je ne pouvais pas la laisser sans correctif.

— Vous exagérez votre initiative… Du moment que je vous avais défendu une chose, vous n’aviez pas à y revenir… Je vous l’ai signifié : je ne veux pas de votre frère ici… je ne veux pas non plus que vous alliez le voir… Je trouve indigne de votre part de vous plaindre à lui comme vous l’avez fait… Je vous juge une ingrate d’avoir négligé ce que je vous demandais… Vos protestations n’ont aucune valeur… Je constate des faits… Estimez-vous heureuse que je n’aie pas de sanction plus sévère.

Paul Domanet s’éloigna.

Denise se demanda si elle n’était pas le jouet d’un cauchemar. Elle venait d’être traitée comme une enfant à qui l’on reproche une désobéissance. Si elle se savait coupable d’avoir enfreint des ordres, elle estimait aussi qu’elle possédait le droit d’avoir un peu d’indépendance. Être traitée ainsi en esclave sous prétexte qu’elle n’avait pas de fortune, lui paraissait le comble du mépris.

Elle éprouvait le besoin de manifester son mécontentement à Mme Zode, de lui jeter à la face, tout l’écœurement que sa duplicité provoquait en elle.

Il fallait qu’elle attendît que son mari fût sorti. Ensuite, elle fit demander la bonne cousine.