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Boulot, d’un air niais. — Parce qu’ils ne vous auraient pas invité !

Bastien. — Ta parole ! (Lui donnant une tape sur la joue.) Bêta ! Je sais bien qu’ils ne m’auraient pas invité ! Mais je les aurais vus tout de même !

Boulot. — Comment cela ?

Bastien. — Comment ? (Haussant les épaules.) Est-il novice ! (Montrant un vilebrequin.) Eh ! bien, et ça, à quoi ça sert-il ?

Boulot. — Un vilebrequin ? Ça sert à faire des trous !

Bastien. — Justement !… Quand une personne m’intéresse… (Faisant tourner son vilebrequin.) Je me ménage un œil !…

Boulot. — Non ?

Bastien. — Parfaitement ! J’ai eu comme ça les plus jolies femmes de Paris… à l’œil ! (Timbre.) Qu’est-ce que c’est que ça ?

Paillardin, dans l’escalier. — Le garçon ! Où est le garçon ?

Scène IV

Bastien, Boulot, Paillardin

Bastien, très aimable. — Voilà, monsieur !… Monsieur attend quelqu’un ?… Je vois ce qu’il faut à monsieur ! Un petit nid charmant où la jolie madame sera très bien !

Paillardin, un sac à la main. — Non, merci ! Je n’attends personne ! Je suis monsieur Paillardin, l’expert désigné par le Tribunal de Commerce !

Bastien. — Ah ! parfaitement, monsieur !… pour la chambre hantée !… Ah ! Monsieur, c’est un véritable ensorcellement !… (Coup de sonnette.) Tenez !… Boulot, on sonne là-haut ! Allez donc voir !… Oui, monsieur, toutes les nuits, c’est un vacarme épouvantable ! les murs craquent ! les meubles sautent !…

Paillardin. — Oui ! oui ! C’est bon ! Puisque je viens ici pour constater, je n’ai pas besoin que vous m’expliquiez. Je constaterai bien par moi-même. Voyons, où est-elle, cette chambre ?

Bastien, indiquant la droite. — C’est celle-ci, monsieur. Si monsieur veut me permettre d’allumer un bougeoir !.

Il en allume un.

Paillardin. — Eh ! bien, voyons cette chambre ensorcelée.

Ils rentrent tous les deux à droite.

Bastien. — Voilà, monsieur. J’aime mieux que ce soit vous que moi qui y passiez la nuit !

Paillardin, riant. — Ah ! bien, si je ne cours jamais de plus grands dangers que ça, je ne risque pas grand’chose ! (Tournant autour de la petite table ronde.) Eh ! bien, elle a l’air très calme pour une chambre où les esprits viennent faire leurs cabrioles !

Bastien. — Elle est calme, à cette heure-ci !

Paillardin. — Ah ! oui, c’est l’heure où les esprits sont sortis !

Bastien. — Mais à minuit, aussitôt que tout est éteint, ils font un potin !…

Paillardin, railleur. — Oui ! c’est ce que nous appellerons des esprits chahuteurs !

Bastien. — Monsieur l’expert plaisante ! Mais monsieur l’expert verra bien !