Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

mielleuse.) Je sais ce qu’il faut à monsieur : un petit nid charmant où la jolie madame sera très bien… Elle est bien mignonne, monsieur, bien mignonne !… Monsieur a très bon goût !…

Ernest. — Garçon, je ne vous demande pas ça !

Bastien, très aimable. — Oui, oui, je comprends ! Je devine le souhait de monsieur ! Monsieur peut se vanter d’avoir de la chance, nous avons justement le 22 qui est vacant.

Ernest. — Le 22… hum ! les deux cocottes !

Bastien. — Oh ! mais, monsieur, on reçoit même avec une !

La dame. — Hein !

Ernest. — Avec une !… (Dramatique.) Or ça, garçon !… pour qui prenez-vous madame ?… Madame est une dame du monde, du monde, palsambleu !…

Bastien. — Mais… c’est ce que j’allais dire, monsieur !… On reçoit même avec une… dame du monde.

Ernest. — Et moi-même… (Avec suffisance.) vous devez me connaître !

Bastien. — Qui ?

Ernest. — Ernest ! le bel Ernest ! Tout le monde connaît le bel Ernest ! le grand premier rôle de Montmartre, Batignolles et Belleville !…

Bastien. — Quoi ! monsieur ! vous seriez le bel Ernest ? Ce qu’il y a de jolies dames ici qui m’ont parlé de vous…

Ernest. — Ah ! on vous… (Se rengorgeant.) Vous entendez, madame ! (Bas à Bastien.) C’est une duchesse, vous savez, c’est une duchesse !

Bastien. — Ah !… mes compliments… Mais alors, à plus forte raison, je vous recommande le 22… C’est dans le 22 que la princesse héritière de Pologne est venue faire son voyage de noces… avec son premier chambellan. (À la dame.) Vous serez dans votre monde, madame !

Ernest. — Oui, oui ! (À part, à Bastien.) Mais, dites-moi donc… c’est très joli, tout cela, mais il doit être cher votre 22… l’appartement d’une princesse de Pologne…

Bastien, très naturellement. — Oh ! qu’est-ce que ça vous fait ?

Ernest… — Comment, ce que ça me fait ?… C’est moi qui paye, vous savez !

Bastien, étonné. — Ah ! ah !

Ernest. — Mais, dame !… (Bruit de voix.) Qu’est-ce que c’est que ça ?

Bastien. — Rien ! Un locataire qu’on expulse…

Boulot, projeté de gauche, à Bastien. — Oh ! là ! là ! quand je vous disais qu’il me brûlerait la cervelle !… Quand je vous le disais !… Il ne veut pas s’en aller si on ne lui rend pas sa malle !

Bastien. — Il ne veut pas s’en aller ! Nous allons voir ça ! (Appelant.) Chervet ! Chervet ! arrive ici, un peu !…

Chervet, paraissant sur le pas de la porte. — Eh bien, quoi ? Qu’est-ce que c’est ?

Bastien. — Tu vois cet escalier ?… Eh bien ! fais-moi le plaisir de descendre et de déguerpir un peu vite !

Chervet. — Je ne m’en irai que quand on m’aura rendu ma malle !

Bastien. — On ne te rendra ta malle que quand tu auras payé !

Chervet. — Ah ! c’est comme ça !… Eh bien, vous entendrez parler de moi ! Je suis très bien à la Préfecture, moi ! et j’irai me plaindre. Et