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Les demoiselles Mathieu, en chœur. — Ah ! monsieur Pinglet !… madame Pinglet !…

Pinglet et Madame Pinglet, se défendant contre les petites. — Oui ! c’est bien ! enchantés ! mais…

Madame Pinglet. — Mais c’est de l’envahissement !… c’est de l’envahissement !…

Pinglet. — C’est une nuée de sauterelles !…

Madame Pinglet. — C’est égal !… Nous ne pensions pas que vous aviez autant de filles que cela.

Mathieu, content de lui. — Ah ! voilà !

Pinglet. — Eh bien ! Qu’est-ce que vous allez en faire ? Vous allez les emmener aujourd’hui dans un autre couvent ?

Mathieu. — Non !… J’attendrai que les oreillons aient disparu…

Pinglet. — Mais, où allez-vous les loger ?

Mathieu. — Mais ici ?

Madame Pinglet. — Hein ?

Pinglet. — Ici ?… Ah ! non !… ah ! non, par exemple !

Mathieu. — Comment ! C’est vous-même qui m’avez dit…

Pinglet, allant à Mathieu. — Eh ! je vous ai dit… je vous ai dit… de descendre chez moi !… Mais, quoi !… ce sont des choses qu’on dit… qu’on dit par politesse !

Mathieu. — Oh !

Pinglet. — Vous m’avez pris au mot… vous arrivez… ça va bien !… mais si vous devez m’amener du monde !… ah ! non ! non !

Mathieu. — Mais pourtant, mon ami…

Pinglet. — Ah çà ! est-ce que vous prenez ma maison pour une caserne ?

Mathieu. — Mais, si c’était une ca… caserne, je n’y amènerais pas mes filles !

Pinglet, lui donnant une tape sur la poitrine. — Il est étonnant, ma parole d’honneur, il est étonnant !… (À Mme Pinglet.) Non ! mais c’est qu’il s’imagine que nous sommes installés pour loger des pensionnaires !… À Paris, ce n’est pas comme en province !

Madame Pinglet.- Eh ! mais c’est de ta faute ! Si tu ne t’étais pas lancé dans des invitations !…

Pinglet. — C’est moi qui me suis lancé ?… Ah ! bien, ah ! elle est forte ! C’est toi, au contraire, qui m’as dit : il n’y a pas moyen de faire autrement ! Nous avons passé quinze jours chez lui !… Il faut que nous l’invitions.

Madame Pinglet, touchant légèrement Mathieu. — Je te l’ai dit, mais je pensais qu’il n’accepterait pas !

Pinglet. — Eh bien ! ce n’est pas de ma faute s’il a accepté !

Madame Pinglet. — Si, c’est de ta faute !… Si tu t’étais contenté de l’inviter une fois, en l’air… la politesse était faite et il ne venait pas. Mais non ! Tu y as mis une insistance !… Et tu revenais ! et tu revenais ! Naturellement, ce pauvre garçon !… Il s’est cru dans l’obligation…

Pinglet. — C’est cela, tu l’excuses ! (À Mathieu.) Cela m’aurait étonné que ce ne fût pas de ma faute !…

Mathieu, se levant, ébahi, avec résignation. — Oui !… Alors, si j’ai bien compris, il faut que nous nous en allions !

Pinglet. — Naturellement, puisque je n’ai pas de place pour vous loger tous !