Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

Maxime, lisant. — L’affection que les gens d’honneur… (Bruit dans la coulisse ; il se bouche les oreilles pour reprendre sa lecture.) L’affection que les gens d’honneur ont pour leurs amis est de cette nature…

Scène VII

Maxime, Marcelle, Pinglet, Paillardin, Madame Pinglet

Marcelle, exaspérée. — Oh ! oh !…

Paillardin. — Mais enfin, ma chère amie, qu’est-ce que tu as ?

Marcelle. — J’ai que vous me rendez la vie insupportable !

Madame Pinglet. — Ah ! bien, ma chère amie, qu’est-ce que vous direz quand vous aurez comme moi vingt ans de ménage !

Pinglet. — Plains-toi donc ! Je t’ai rendu la vie très heureuse !

Paillardin, à Marcelle. — Et moi aussi !

Madame Pinglet et Marcelle, à leurs maris respectifs. — Heureuse ! Ah bien, oui ! parlons-en !

Paillardin et Pinglet. — Mais parfaitement !

Marcelle et Madame Pinglet. — Non ! Tu ne me l’as pas rendue heureuse !

Paillardin et Pinglet. — Si, je l’ai rendue heureuse !

Les quatre ensemble. — Non !

Ils se chamaillent.

Maxime, se levant. — Oh ! non ! non ! il n’y a pas moyen de travailler comme ça !… Je m’en vais !…

Il sort.

Marcelle. — Non ! Mais… c’est-à-dire que je me demande pourquoi je me suis mariée avec monsieur. Enfin, est-ce qu’il se conduit comme un époux doit le faire ?

Paillardin, agacé des reproches de sa femme. — Oh !

Marcelle. — Non ! mais il s’imagine que je me suis mariée pour surveiller le ménage et garder la maison !… Car enfin, qu’est-ce que je suis en dehors de ça ?… Rien !… Il me traite comme une quantité négligeable !… Il me laisse de côté !…

Madame Pinglet — Comment ? ma pauvre amie !… Vraiment il vous laisse !… Oh ! c’est très mal !…

Paillardin. — Mais non ! Mais non ! C’est de l’exagération !

Madame Pinglet, à Paillardin. — Ah ! vous savez, nous avons vingt ans de ménage, monsieur Pinglet et moi !… Mais si jamais mon mari s’avisait d’être comme ça avec moi… Ah ! ah !

Paillardin, à mi-voix, à Pinglet. — Comment, vraiment ?

Pinglet, à mi-voix, à Paillardin. — Elle se vante ! Elle se vante !

Paillardin, à sa femme. — Enfin, quoi, qu’est-ce que tu veux ?… Tu veux que je n’aille pas ce soir à cette expertise ?

Marcelle. — Oh ! si… allez-y !… Que vous soyez là-bas, que vous soyez ici, je vous trouve toujours aussi éloigné !

Paillardin. — Oh ! Toujours cette rengaine !…

Marcelle. — Je vous avouerai vraiment que j’attendais autre chose du mariage !… Ah ! on a du mérite à rester une femme honnête avec vous !

Paillardin. — Allons bon !… Voilà autre chose !…