Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pinglet, riant. — Ah ! bien ! très bien !… Enfin… tu es ce que nous appelons un glaçon !

Paillardin. — Un glaçon !… Avec ça que tu es si chaud, toi ?

Pinglet. — Ah ! tu crois ça, toi !… Eh bien, mon vieux, tu ne me connais pas !… Veux-tu que je te dise !… Il y a de la lave en moi ! de la lave en ébullition !… Seulement, je n’ai pas de cratère…

Paillardin. — Ah ! tiens, tu me fais rire !… Tu as bien l’air d’un volcan !

Pinglet. — Plus que toi, en tout cas !

Paillardin. — Qu’est-ce que tu en sais ?

Pinglet. — T’as pas de lave !

Paillardin. — Non !

Pinglet. — Eh bien, alors ! un volcan qui n’a pas de lave : ce n’est pas un volcan ! C’est une montagne… avec un trou !

Paillardin, haussant les épaules et se levant. — Mais, ce n’est pas tout ça !… (Lui prenant le bras.) Dis donc ! je voulais te demander… Tu ne pourrais pas me prêter ta bonne ?…

Pinglet, scandalisé. — Ma bonne !… Qu’est-ce que tu veux en faire ?

Paillardin. — T’es bête !… C’est pour mon neveu Maxime !

Pinglet. — Ah ! c’est du propre !

Paillardin. — Ah ! que tu es assommant avec tes plaisanteries !… Pauvre petit !… Ah ! en voilà un qui ne pense pas à la gaudriole. C’est un bûcheur qui ne songe qu’à piocher sa philosophie !

Pinglet. — Philosophe à son âge !… Qu’est-ce qu’il fera quand il sera vieux ?

Paillardin. — Bref ! il entre ce soir à Stanislas pour l’achever, sa philosophie ! Or, je n’ai pas de domestique pour le conduire à son lycée. Tu sais que j’ai mis mon ménage à la porte.

Pinglet. — Eh ! bien, c’est entendu !… Mais pourquoi ne le conduis-tu pas toi-même, ton neveu ?

Paillardin. — Je n’ai pas le temps ! J’ai toute ma journée prise… et cette nuit même, je couche en ville.

Pinglet, lui portant une botte. — Ah ! ah !…

Paillardin. — Oh ! Tout seul !

Pinglet. — Ah ! cela m’étonnait…

Paillardin. — Oui, mon ami ! Je dois passer la nuit dans je ne sais quel horrible petit hôtel !… On prétend qu’il est hanté… hanté par des esprits frappeurs !…

Pinglet. — Oh ! la bonne blague !

Paillardin. — C’est mon avis ! parce que moi, des esprits frappeurs !… quand je les verrais, je n’y croirais pas ! Non, mon opinion est faite : ça vient des fosses.

Pinglet. — Evidemment !

Paillardin. — Seulement, le locataire demande la résiliation de son bail ! Le propriétaire se rebiffe, et le Tribunal m’ayant désigné comme expert, je suis obligé d’aller coucher là-bas, pour constater.

Pinglet. — Que les esprits frappeurs ne sont que des gaz en rupture de tuyaux !

Paillardin. — Tu l’as dit.

Il fait un mouvement pour s’en aller.

Pinglet, le rappelant. — Dis donc ! Eh bien, cela n’a pas dû être pour arranger les choses avec ta femme !

Paillardin. — Tu penses !… Elle me fait des scènes depuis ce matin.