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Marcelle. — Je n’ai rien.

Pinglet. — Si… Vous avez les yeux rouges.

Marcelle. — Oh ! rien ! rien !… Toujours la même chose : une dispute avec mon mari.

Pinglet. — Pauvre petite !… Voyons, est-ce qu’il se serait montré agressif ?

Marcelle. — Agressif !… Ah ! ah ! non, il n’est pas agressif !… S’il était agressif, il y aurait peut-être quelque espoir !… mais je suis aussi peu pour lui que sa dernière pantoufle !… Tenez, ne parlons plus de ça, cela m’agace !… Je vais trouver votre femme !

Pinglet, lui indiquant. — C’est ça, par là !… Et puis, vous savez, je le gronderai, Paillardin.

Marcelle. — Oh ! non, je vous en prie !… Ne lui ouvrez pas la bouche de tout cela. Qu’est-ce que vous voulez ?… on ne peut pas demander à un manchot de jouer du violon.

Elle sort.

Scène III

Pinglet, seul

Pinglet, la regardant sortir, très excité. — Oh ! cette femme-là !… Ouah !… ah ! là ! là !… Ma femme qui me dit toujours que je suis fini !… Si je suis fini avec elle… c’est pour faire chorus !… Qu’on me mette donc en parallèle avec… oh ! (remontant travailler.) Mais voilà ! Elle a épousé une espèce de moule !… (Face au public.) Je peux le dire !… C’est mon ami intime… qui est-ce qui pourrait l’appeler moule, si ce n’est son ami intime ! (Tout en travaillant.) Ah ! si ce n’était pas mon ami intime !… (Changeant de ton.) Et si j’étais sûr de réussir auprès de sa femme… Mais voilà ! je ne suis pas sûr de réussir… ce n’est pas moi qui vais faire une saleté à un ami pour remporter une veste. (Déroulant un plan.) Qu’est-ce qu’il me fourre là, dans son plan, ce serin de Paillardin ! (Le comparant au sien.) De la pierre meulière pour soutenir ce poids-là… Il est fou ! Les voilà ces architectes !… Ils ne connaissent que la théorie !… Ils nous font hausser les épaules, à nous autres entrepreneurs !… (Il redescend.) De la pierre meulière ! Je vous demande un peu ! pour ce poids-là ! (Changeant de ton.) Il a vraiment une jolie femme tout de même !

Scène IV

Pinglet, Paillardin

Paillardin, entrant. — Bonjour, Pinglet !… Je ne te dérange pas ?

Pinglet. — Non, au contraire !… Je ne suis pas fâché de te voir !… Qu’est-ce que tu me fourres là, dans ton plan ?

Paillardin, s’asseyant et examinant le plan. — Quoi ?…

Pinglet. — Tu veux que je mette de la pierre meulière pour supporter un édifice pareil ! Tu es fou.

Paillardin. — Quoi, l’édifice… il ne dépasse pas les proportions ordinaires !… Qu’est-ce que tu veux donc mettre, toi ?

Pinglet. — Je ne sais pas, de la caillasse !