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Pinglet, sans se retourner. — Angélique ?…

Madame Pinglet. — Ma couturière est là !

Pinglet, retourné à demi. — Eh bien ! qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ?…

Il se remet à travailler.

Madame Pinglet. — Hein ! Vous ne pouvez pas cesser votre travail quand je vous parle ?

Pinglet, à part. — Quel rasoir ? (À Mme Pinglet.) Chère amie !… C’est un travail très pressé pour une maison que je construis avec notre ami Paillardin.

Madame Pinglet. — Eh bien, la maison attendra !

Pinglet. — Bien, chère amie…

Madame Pinglet, montrant ses échantillons. — J’hésite entre deux échantillons d’étoffes ! Lequel faut-il prendre ?

Pinglet. — C’est pour un fauteuil ?

Madame Pinglet. — Non, Monsieur ! c’est pour une robe.

Pinglet, indiquant l’un des échantillons. — J’aimerais assez celui-là !

Madame Pinglet. — C’est très bien… je prendrai l’autre !…

Pinglet. — Ce n’était pas la peine alors de me demander…

Madame Pinglet. — Pardon !… Je vous demande parce que je sais que vous n’avez pas de goût… Comme ça je suis fixée sur celui que je ne dois pas prendre !

Pinglet, à part. — Charmant !… C’est une crème !…

Madame Pinglet. — Allez ! travaillez !

Pinglet. — Oui, Angélique !… (Mme Pinglet sort en lui tirant la langue.) Huah !… Ce n’est pas une femme que j’ai là, c’est un pion !… Et dire que je l’ai épousée par amour, malgré ma famille ! (Remontant à sa table de travail.) Il y a vingt ans, c’est vrai !… Ah ! si on pouvait voir les femmes vingt ans après, on ne les épouserait pas vingt ans avant !… (Devant la fenêtre.) Oh ! le temps est couvert, il tombe même des gouttes !… (Face au public.) Jamais mon fils ne se mariera contre ma volonté. (Un temps.) Si jamais j’en ai un… mais je n’en aurai pas !… parce qu’avec Madame Pinglet… ah ! non !… (On frappe.) Entrez !…

Scène II

Pinglet, Marcelle

Pinglet, avec empressement allant à Marcelle. — Ah ! madame Paillardin.

Marcelle, avec humeur. — Bonjour, mon cher Pinglet !… Vous me recevez en robe de chambre, n’est-ce pas ?

Pinglet, très aimable, descendant avec elle. — Mais ce sont les privilèges du voisinage ; quand, entre amis intimes, on a deux villas contiguës, c’est bien le moins qu’on puisse aller les uns chez les autres sans façons !

Marcelle. — C’est ce que je me suis dit !… Votre femme n’est plus là ?

Pinglet. — Si ! Elle est en conférence avec sa couturière !… Et Paillardin va bien ?…

Marcelle. — Je ne sais pas.

Pinglet, lui prend les mains et la regarde dans les yeux. — Qu’est-ce que vous avez ?