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Paturon. — Qui ça ?

Pervenche, montrant le plafond. — Lui ! là-haut !

Paturon. — Il y a quelqu’un au-dessus ?

Pervenche. — Mon pauvre mari qui me voit de là-haut !…

Paturon. — Ah ! bon, le… Oh ! bien, ne parlons pas de lui, hein ! ne parlons pas de lui !

Pervenche. — Oh ! non, n’est-ce pas ?… n’en parlons pas ! n’en parlons pas !… (S’asseyant sur le canapé — n° 1). Ah ! dites-moi que vous n’abuserez pas de la situation !

Paturon, s’asseyant à côté de Pervenche, n° 2. — Mais non ! mais non !

Pervenche. — Ah ! monsieur !

Paturon. — Oh ! et puis ne m’appelez pas monsieur ! appelez-moi : Paturon !

Pervenche. — Potiron ?

Paturon. — Pas Potiron ! Paturon !

Pervenche. — Ca se ressemble !

Paturon. — Mais non ! Ca ne se ressemble pas ! Allons, voyons, soyons gais ! nous allons faire un bon petit dîner !… il y aura du champagne ! Avez-vous déjà bu du champagne ?

Pervenche, s’oubliant. — Ah ! je te crois !

Paturon. — Hein !

Pervenche, rattrapant sa parole. — Oh ! pardon ! Je me suis laissée aller à vous tutoyer !

Paturon. — Mais laissez-vous aller !

Pervenche. — C’est que je ne me reconnais pas, voyez-vous… moi toujours si réservée !… vrai, je ne puis me défendre d’une étrange sympathie pour vous ! Je vous connais à peine et cependant je me demande pourquoi.

Paturon, avec passion. — Non ! ne vous demandez pas !

Pervenche. — Regardez-moi… oui, ça doit être ça ! Vous avez le nez de mon pauvre mari.

Paturon, se levant — . Du colonel ?… J’ai ?… Ah ! bien non ! ah ! bien non !

Pervenche, se levant. — Il l’avait beau !

Paturon. — Eh bien, oui, je ne vous dis pas, mais nous avions promis que nous ne parlerions pas de lui, n’en parlons pas…

Pervenche. — Oui, oui, je vous demande pardon !

Paturon. — Voyons, nous sommes en tête-à-tête, soyons à notre tête-à-tête.

Pervenche. — Vous avez raison… quand le vin est versé…

Paturon. — Il faut le boire… (À part.) Elle a de l’esprit. (Haut.) Et tenez, je vais vous faire une proposition.

Pervenche. — Quoi ?

Paturon. — Il faut d’abord que je vous dise que moi, je suis un dilettante.

Pervenche. — Vous voulez faire de la musique ?

Paturon. — Dieu m’en garde !… Je veux dire que je suis un artiste, un raffiné ! Eh bien, quand j’ai un plaisir, j’aime à le faire durer, à le retarder, à le contrarier même quelquefois, pour le goûter plus pleinement après.

Pervenche. — Je ne vous comprends pas.

Paturon. — Ah ! ne cherchez pas à approfondir… il y a un peu de