Scène III
Les Mêmes, Gigolet
Gigolet, entrant du fond, il est en habit noir sous son pardessus. — Garçon !
Alfred, n° 1 au fond. — Monsieur !
Paturon (n° 3). — Tiens ! Gigolet !
Gigolet, descendant au n° 2. — Paturon !
Alfred, descendant en scène au n° 1. — Ah ! bien, nous sommes en pays de connaissance !
Paturon. — Ah çà ! par quel hasard vous trouve-t-on ici ?
Gigolet. — Oh ! sans doute par le même que vous ! Partie fine ? hein !
Paturon. — Partie fine !
Alfred, bon enfant. — Partie fine !
Gigolet. — Merci, mon ami ! (À Paturon.) Mais voilà des éternités que nous ne nous sommes vus !
Paturon. — Deux ans, mon cher ! Comme ça passe !
Gigolet. — On m’a dit que vous aviez une liaison ?
Paturon. — C’est vrai ! Eh bien, et vous, on m’a dit que vous étiez marié ?
Gigolet, passant devant Paturon et allant au n° 3. — Marié ? Oh ! une liaison comme vous ! moi, j’ai toujours été pour le ménage, seulement, que voulez-vous, j’ai toujours été gaucher.
Alfred. — C’est ce qu’on appelle des ménages de la main gauche.
Gigolet. — Merci, mon ami. (À Paturon.) Il est familier, ce maître d’hôtel.
Paturon. — Oh ! c’est Alfred, l’ancien maître d’hôtel de la Maison d’Or ! C’est un ami pour les clients ! (À Alfred, présentant Gigolet.) M. Gigolet. (Présentant Alfred.) Alfred !
Alfred. — Enchanté, monsieur.
Gigolet, passant devant Paturon et allant à Alfred. — Eh bien, Alfred, mon ami ! il me faudrait un cabinet… un cabinet mystérieux.
Alfred. — Pour abriter un premier amour ?
Gigolet. — Voilà !
Alfred, montrant la gauche. — Eh bien, j’ai votre affaire !… j’ai un petit nid par là.
Gigolet. — Bien ! Quant au menu…
Paturon. — Oh ! rapportez-vous en à lui ! il connaît mes goûts !
Gigolet. — Oui, mais pas les miens.
Alfred. — Si ! Si ! vous serez content !… Je vais !… (Remontant par la gauche, en passant devant le canapé, à part.) Seulement, je n’ai pas de veine… J’avais aussi parié pour la partie carrée !… c’est encore dix mille francs que je me dois… Je me ruinerai ! (À Gigolet.) Je vais mettre le couvert !
Il sort par la gauche.