Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée

mettant son chapeau.) J’étais là tranquillement au cercle, avant dîner, à faire ma partie d’écarté habituelle… à cinq louis. J’étais en veine, par-dessus le marché ! Crac, voilà qu’on vient m’annoncer ça en plein dans l’estomac ! Comme c’est gai ! naturellement, j’ai cessé ! (Il s’assied à gauche de la table de bridge, sur laquelle, après s’être découvert, il pose son chapeau.) Qu’est-ce que vous voulez ? Je suis un homme de devoir. Mais vraiment, qu’on ne puisse même pas vous laisser en repos la journée finie !…

Toudoux, assis à droite de la table de jeu : — Je suis le premier désolé !

De Champrinet, se levant en reprenant son chapeau dont il se couvre. — Oui, oh ! ça arrange quelque chose ! (Faisant mine de se diriger vers la chambre de sa fille.) Eh bien ! quoi ! Est-ce qu’on peut voir ma fille ?

Toudoux. — Ah ! ben, écoutez, pas pour le moment, elle est entre les mains de la sage-femme, qui n’est pas précisément commode !

De Champrinet, maugréant. — Ah !… (Se découvrant et posant son chapeau et sa canne sur la chaise à gauche de la table à manger.) Au moins, vous allez pouvoir me donner quelque chose à manger, je n’ai pas dîné, avec tout ça ! (Il gagne la droite.)

Toudoux, toujours assis. — Mon Dieu, si vous voulez vous contenter de ce qu’il y a ?

De Champrinet. — Oh ! pour ce que j’ai faim ! Vous pensez bien que tout ça m’a enlevé l’appétit.

Toudoux, à Clémence qui sort de chez Léonie. — Ah ! Clémence, vous mettrez également le couvert de Monsieur de Champrinet.

Clémence. — Bien monsieur ! (Elle va prendre le chapeau et la canne de Champrinet et les emporte.)

De Champrinet, qui a dressé l’oreille. — Pourquoi "également" ? Il y a donc du monde ?

Toudoux. — Oui.

De Champrinet. — Ah ?

Toudoux. — La sage-femme.

De Champrinet, vexé. — Aha ! je vais dîner avec la sage-femme.

Toudoux. — Ben !…

De Champrinet, même jeu. — Oui ! Bien ! bien ! oh !

Toudoux. — Pour aujourd’hui, n’est-ce pas ?

De Champrinet, au-dessus de la table à jeu. — Oui, oui ! (Maugréant.) La sage-femme !… c’est vrai ! (S’asseyant à gauche de la table à jeu, bien en face de Toudoux.) Mais enfin, que diable avez-vous fabriqué pour que ça arrive aujourd’hui ? Vous qui n’attendiez que pour dans un mois !

Toudoux. — Léonie est en avance.

De Champrinet, tout en parlant, ramassant machinalement les cartes et les battant. — Oui, ah ! c’est gai, ça, un enfant ! un enfant au bout de huit mois de mariage ! Qu’est-ce que le monde va penser ? Jamais on ne croira.

Toudoux. — Oh ! ben !…

De Champrinet. — On insinuera, parbleu, que vous aviez pris des acomptes avant. On n’avait déjà pas compris au Faubourg qu’un de Cham-