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(Minaudant et la bouche en cul de poule.) On ne mange plus de potage ! (Energique.) Moi, je suis de la vieille école ! la bonne ! celle qui ne fait pas de progrès !

Toudoux. — Aha !

Madame Virtuel, sur le même ton que la phrase précédente comme si c’en était la continuation. — Et puis après ?

Toudoux, conciliant. — Oui ! Et puis après, rien !

Madame Virtuel. — Comment ! pas de potage ! et puis après, rien !

Toudoux, comprenant sa méprise. — Hein ? Ah ! non ! si ! si !… non ! parce que je croyais que vous me disiez : "Je suis de la vieille école, moi ; et puis après !…"

Madame Virtuel. — Mais non ! Et puis après… le potage ?

Toudoux. — Ah ! "et puis après le potage", oui, oui ! Eh bien ! et puis après le potage… et puis après le potage… et puis après le potage que nous n’avions pas ! un faux filet et du macaroni.

Madame Virtuel, approuve de la tête, puis. — Et puis ?

Toudoux ? — C’est tout.

Madame Virtuel fait proutter ses lèvres, puis. — C’est maigre !

Clémence. — Un morceau de roquefort.

Madame Virtuel. — Oui ! ça ne compte pas ! (tandis que Clémence remonte par le fond au-dessus de la table et va prendre le manteau laissé par Madame de Champrinet.) Ah ! vous n’êtes pas de gros estomacs, ici !

Toudoux. — Ben !…

Madame Virtuel, se dirigeant vers la table à manger. — Enfin, je mangerai ça, puisqu’il n’y a que ça !

Elle s’assied à gauche de la table.

Clémence, au-dessus de la table, tout en pliant soigneusement le manteau de Madame Champrinet. — Qu’est-ce que madame boira ? du vin blanc ? du vin rouge ?

Madame Virtuel, d’un air détaché. — Oh ! n’importe quoi ! ça m’est égal !… un peu de champagne !

Toudoux, qui est devant la table. — Du champagne ?

Madame Virtuel. — Oui ! c’est ce qui réussit le mieux à mon estomac !

Toudoux. — Vous en buvez donc chez vous ?

Madame Virtuel. — (Avec intention.) Quand mes clients m’en envoient !

Toudoux. — Ah !

Madame Virtuel. — Oui !

Toudoux, se le tenant pour dit. — Bon ! (A Clémence qui est au fond, à droite de la table.) Alors, ma fille, vous descendrez chez l’épicier et vous demanderez de la tisane, vous savez, a…

Clémence. — Il n’y a peut-être pas besoin ! Il reste dans l’office une bouteille de Pommery. (Elle fait mine de se diriger vers l’office.)

Madame Virtuel, avec bonhomie. — Mais oui !

Toudoux, furieux, descendant à droite. — Ah ! là, l’autre !

Madame Virtuel. — Mais oui ! Mais oui ! du Pommery ! Qu’est-ce que ça me fait ? Je m’en contenterai. Je ne bois pas plus d’une bouteille, vous pensez bien !

Toudoux, sur un ton comiquement apitoyé. — Vraiment ?