Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 4, 1948.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

Scène première

La salle à manger chez Toudoux. — Au milieu de la scène, un peu au fond, table ronde servie à deux couverts ; à gauche, presque à l’avant-scène, une table-bridge sur laquelle se trouvent des cartes, une réussite abandonnée. Une chaise de chaque côté de la table. A gauche, premier plan, porte donnant chez madame Toudoux. Au fond, sur la droite, porte à deux battants donnant sur le vestibule. A droite, deuxième plan, porte basse à un battant menant à l’office. A droite, premier plan, une console ; contre le panneau de gauche du fond, un buffet ; à gauche et à droite du buffet, une chaise. Dans l’encoignure droite, entre la porte sur vestibule et celle sur office, un petit dressoir. Au milieu de la scène, à droite, à un mètre de la console, une bergère face au public. Suspension allumée au-dessus de la table à manger.

Léonie, Toudoux, puis Clémence

Au lever du rideau, Léonie, en kimono, et Toudoux, en pyjama, arpentent la pièce de long en large. Toudoux soutient Léonie en lui faisant une ceinture de son bras gauche en même temps qu’il tient chacune des mains de sa femme serrée dans chacune de ses mains correspondantes. Quand le rideau se lève, ils sont en marche et se trouvent ainsi à peu près au milieu de la scène. Ils vont jusqu’à l’extrême-gauche, font une conversion pour reprendre leur marche jusqu’à l’extrême-droite, puis nouvelle conversion pour revenir vers la gauche. Une fois là, Léonie, à moitié courbée en deux, s’arrête pour respirer.

Léonie. — Pffue !

Toudoux, d’une voix hésitante et timide. — Ca… ça ne va pas mieux ?

Léonie. — Ah ! tais-toi ! Ne me questionne pas ! Tu me fatigues !

Toudoux, se le tenant pour dit. — Oui !

Léonie, douloureusement. — Serre-moi les mains ! Serre-moi fort ! Fais-moi mal !

Toudoux, obéissant. — Oui !

Léonie. — Mais plus fort donc ! Je ne te sens pas !

Toudoux. — Oui ! (Etouffant un soupir.) Pffu !

Léonie, le corps courbé en deux, regardant son mari en hochant la tête d’un air épuisé. — Ah ! tu ne sais pas ce que c’est !

Toudoux. — Non !

Léonie. — Attends ! Je veux un peu m’asseoir ; je suis fatiguée !

Toudoux, l’installant sur la chaise droite de la table de bridge. — C’est ça !… là !…

Il quitte sa femme et remonte à la table où l’attend son dîner commencé.

Léonie, accablée sur sa chaise et les yeux prostrés, elle tend ses deux mains à sa gauche vers son mari qu’elle croit toujours près d’elle. Ne le trouvant pas, elle se retourne, et apercevant Toudoux tranquillement attablé devant son assiette. — Ah ! non ! non ! Serre-moi les mains, tu ne vas pas me laisser ! Tu finiras de dîner plus tard !

Toudoux, soumis. — Ah ?… bon !… bon…

Il se lève et va à elle.