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VENISE AU SEIZIÈME SIÈCLE.

xvie siècle[1]. Si en matière politique elle se montrait sévèrement autoritaire, elle avait en effet une large tolérance pour les choses de l’esprit. La république de Venise n’était pas seulement par ses possessions extérieures le plus puissant des États indépendants de l’Italie ; sa métropole contenait près de trois cent mille habitants et offrait un asile aux étrangers de tous les pays. Quand le bruit des ateliers troublait les hommes studieux, ils pouvaient se retirer dans les délicieuses habitations des îles voisines, comme était la villa Ramusia ou celle de Bembo à Murano[2]. Venise était, au dire de Commines, la plus magnifique ville qu’il eût jamais vue. « Les maisons sont grandes, hautes et de bonne pierre ; les anciennes sont peintes, et celles qui datent de cent ans ont toutes la façade en marbre blanc, et même des morceaux de porphyre et de serpentin pour ornements. »

L’imprimerie d’Alde Manuce était le centre des études littéraires. Alde était en relation avec tous les savants de l’Europe. Des Hongrois et des Polonais lui envoyaient de grandes sommes d’argent pour qu’il imprimât leurs écrits[3]. Cependant les troubles civils venaient de compromettre cette prospérité jusque-là croissante. Les propriétés d’Alde Manuce avaient été pillées : lui-même avait quitté la ville en 1506. Son imprimerie ne devait reprendre tout son mouvement qu’en 1512, lorsqu’il associa à ses travaux son beau-père André d’Asola. Ce qui prouve néanmoins que ses presses ne demeurèrent pas pendant cet intervalle tout à fait inactives, c’est qu’Érasme demeura huit mois à Venise, dans la maison même d’André d’Asola, qu’il publia

  1. Renaissance de M. Michelet, p. 150 et sqq. (1 vol. in-8o, 1855).
  2. Cantu, Histoire de l’Italie, ch. 131.
  3. Roscoe, Vie de Léon X, ch. ii.