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VIE D’ÉRASME.

savants. De toutes parts on se tournait aux jouissances de l’art et des sens. Dans le domaine des lettres, l’invention originale faisait place de plus en plus à l’érudition, la poésie à la critique. Les grandes œuvres du quatorzième siècle, au lieu de provoquer une imitation féconde, n’étaient elles-mêmes le plus souvent que des textes livrés à toutes les subtiles interprétations des commentateurs. Cependant, et malgré cet arrêt momentané dans le développement de la renaissance italienne, une contrée si favorisée avait encore bien des spectacles instructifs, bien des enchantements nouveaux à offrir même au plus spirituel comme au plus lettré des Hollandais.

En 1505, Érasme avait reçu de l’Université de Cambridge le grade de bachelier en théologie. L’année suivante, il accompagnait en Italie les fils de Boerio de Gênes, médecin du roi d’Angleterre, dont il devait, de concert avec leur précepteur, qui s’appelait Clyston, surveiller les études littéraires. Il prit sa route par Lyon, et l’accueil distingué que lui firent plusieurs savants de cette ville lui laissa un souvenir reconnaissant qu’il consigna dans un de ses colloques[1]. En traversant à cheval les Alpes, il composait, pour amuser son loisir, des vers sur les incommodités de la vieillesse[2]. Érasme avait quarante-six ans : il lui paraissait temps de dire adieu à la jeunesse, et de lui adresser son valete risus que jocique : « Maintenant les cheveux plus rares répandus sur mes tempes, mon menton aussi qui commence à blanchir, et les années de mon printemps déjà passé

  1. Coll : Diversoria. — Érasme dut passer une seconde fois à Lyon en 1521. V. Antoine Péricaud : Érasme dans ses rapports avec Lyon (Lyon, 1843, broch. 19 pages). On trouvera dans cette brochure quelques détails sur les savants qu’Érasme rencontra à Lyon, et particulièrement sur Jean Grolier et l’abbé Antoine d’Albon.
  2. Erasmi carmen ad G. Copum Basiliensem de senectutis incommodis.