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L’ITALIE AU DÉBUT DU SEIZIÈME SIECLE.

avait retrouvés dans une bibliothèque[1]. Sa fortune, sans être encore libre de tout embarras, s’améliorait peu à peu. Des princes le connaissaient et lui faisaient parvenir l’expression de leur estime. Henri VIII, qui n’était pas encore monté sur le trône, lui écrivait de sa main : il lisait ses ouvrages et s’exerçait à imiter son style. Dans les pays qu’il avait visités, Érasme avait noué d’agréables ou d’utiles relations. Il avait vu qu’il ne tenait qu’à lui d’accepter de ses Mécènes des témoignages plus effectifs de leur bonne volonté ; mais jaloux de son indépendance, ennemi d’une contrainte qui eût gêné par des devoirs imposés sa passion de l’étude, il avait cherché à échapper à la servitude de la pauvreté sans l’échanger contre celle des charges et des honneurs. Ses amères récriminations contre la fortune, sans disparaître encore, iront en s’affaiblissant ; d’autres soucis non moins pressants et cruels vont bientôt prendre leur place.

IV

Beatus Rhenanus a écrit à propos du voyage d’Érasme en Italie : « Il y porta l’érudition et la science que les autres ont coutume d’aller y chercher[2]. » Sans accepter ces paroles d’une admiration trop prévenue, il est vrai de dire que le seizième siècle s’ouvrait en Italie sous de moins heureux auspices. Les guerres civiles et étrangères qui déchiraient la nation n’étaient pas favorables au culte des Muses. On ne voyait alors surgir aucun homme supérieur. Après Alexandre VI, de honteuse mémoire, un pape guerrier s’était assis sur le trône pontifical. Libéral envers les artistes, il faisait peu de cas des

  1. Ép. 103.
  2. Vit. Erasm.