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L’ÉTUDE DU GREC.

avaient ordre de fouiller ceux qui allaient s’embarquer. Érasme fut ainsi dépouillé de vingt livres sterling. « Avant de monter en vaisseau, écrivait-il quinze ans plus tard à Gonellus, j’avais déjà fait naufrage[1]. » Ainsi allégé d’un bagage qui d’ordinaire le gênait peu, Érasme repassa en Flandre, et de Tornhoens, où il séjourna encore quelque temps, il revint à Paris qu’il ne fit que traverser, et alla demeurer plusieurs semaines chez son ami Jacques Tutor, à Orléans[2].

Au mois de décembre 1499, Érasme était de retour à Paris. Ses lettres nous le montrent à cette époque plein d’ardeur pour l’étude du grec. C’était alors une entreprise hardie que d’apprendre la langue grecque. Il fallait tout à la fois être son propre maître, faire venir d’Italie des éditions souvent pleines de fautes, dédaigner enfin les attaques publiques des théologiens qui appelaient le grec la langue des hérésies, et prédisaient qu’en répandant cet enseignement on livrerait à l’esprit d’examen les monuments de la primitive Église[3]. Aussi l’étude du grec, suspecte aux yeux de la foi et rendue presque impossible par le manque de livres et de maîtres, était à peu près nulle dans l’Université de Paris. En 1500, cette

  1. Ép. 173. — Boisard dit qu’Érasme retourna auprès du roi, que celui-ci s’amusa beaucoup de son aventure et doubla la somme qu’on lui avait enlevée. Mais les lettres d’Érasme ne confirment pas ce fait que rend encore invraisemblable l’avarice célèbre d’Henri VII.
  2. Sur Jacques Tutor v. la Vie d’Érasme de M. de Burigni, t. i, p. 62.
  3. Budé combat vigoureusement cette opinion au livre ii du de Philologia. V. p. 63 de l’édit. de Bâle. Il conclut que la science grecque n’est pas nécessairement contraire à l’innocence théologique. Mais la Sorbonne, même en 1530, n’était pas revenue de ses préventions, puisqu’elle citait les professeurs royaux (du collège de France) « pour leur être fait défense d’expliquer les livres saints selon le grec et l’hébreu, sans la permission de l’Université. »