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VIE D’ÉRASME.

tenir sa pension qu’à force de pressantes réclamations. Jusqu’au xviiie siècle, l’écrivain restera ainsi le client des grandes familles, et les esprits même les plus tiers accepteront ce patronage, quitte à se soulager par d’amères sorties contre cette noblesse qui les fait vivre.

Le désir et l’espoir de rencontrer une destinée meilleure, la crainte aussi des épidémies, nous expliquent les courses continuelles d’Érasme de Paris en Hollande et de Hollande en Angleterre. Ce qui déroute le biographe, c’est qu’il lit parfois dans sa correspondance des lettres écrites en des lieux différents, et qui portent la même date[1]. Quoiqu’il en soit, au mois de juillet 1499, il est à Tornhoens, auprès de Battus. Il y goûte quelque douceur et écrit à un de ses amis : « Ce serait en vérité la vie des dieux, si nous avions un peu plus de livres[2]. » Au mois d’octobre, il est à Oxford, et de là il engage Fauste Andrelin à venir partager son heureuse fortune : « Vous trouverez ici des nymphes faciles et souriantes que vous préférerez bientôt aux Muses elles-mêmes. Partout où vous allez, ce ne sont que baisers[3]. » Mais, à son départ, Érasme est victime d’une fâcheuse aventure qu’il supporta d’ailleurs avec une résignation toute philosophique. Il paraît qu’un règlement défendait aux étrangers de sortir du royaume en emportant plus de six angelots[4], et que les agents de la douane

  1. La date de plusieurs lettres d’Érasme a été heureusement corrigée par M. Hermingard dans son importante publication : Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, 4 vol. in-8o, 1866-1872. Lévy.
  2. Ép. 57.
  3. V. à propos de cette saillie l’article sur Érasme inséré dans le numéro du mois de mars 1860 de la Revue britannique, p. 91.
  4. L’angelot d’or valait trois florins.