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LA JEUNESSE D’ÉRASME.

leur inspire n’est pas moins vif, et c’est peut-être dans ce cadre qu’il conviendrait de placer le portrait d’Érasme, arrivé à la pleine fleur de sa jeunesse, pour lui donner tout son avantage. Son extérieur n’est pas imposant, mais agréable et séduisant. Son corps, petit, délicat, est bien proportionné. Son habillement n’est pas sans élégance. Son regard et sa voix sont expressifs : ses cheveux blonds, ses yeux bleus, sa peau blanche, trahissent son origine germanique. D’ailleurs, il a l’humeur joyeuse, le rire éclatant, il ne veut pas que l’on soit sage à toute heure. Sa riche mémoire n’ôte rien à la vivacité souple de son esprit. Gai convive, facile alors à se livrer, prompt à saisir les ridicules et hardi dans ses railleries, il jette avec verve les mots plaisants ou téméraires, il amuse en racontant des légendes sur le paradis terrestre[1], il médit des rois et des théologiens, mord les moines jusqu’au sang, et, par cet entrain d’humeur franche et libre, plaît à ceux mêmes qu’il étonne ou irrite.

Mais les servitudes d’une vie étroite et mal assurée revenaient trop tôt dissiper ces courtes heures de gaieté expansive. La correspondance d’Érasme n’est guère en ce moment qu’une suite monotone de demandes d’argent ou de doléances sans dignité. Il s’irrite de se voir oublié par l’évêque de Cambrai et la marquise de Véra. Il reproche même à Battus sa froideur, et va jusqu’à insinuer que les libéralités de la marquise s’égarent sur des personnes qui ne les méritent pas. Il craint d’avoir inutilement composé un petit traité de morale pratique, qu’il a dédié au jeune Adolphe de Bourgogne[2]. On paraît lui en savoir peu de gré, puisqu’on ne lui fait

  1. Ép. 44.
  2. De amplectenda virtute.