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ÉRASME EN ANGLETERRE (1497).

crits et ses livres. Il vit avec eux comme avec des amis dont il ne peut se séparer même un moment sans inquiétude. Il lui est arrivé une fois qu’un livre prêté ne lui a pas été rendu. « Depuis bien des années, écrit-il avec le plus grand sérieux, je n’ai ressenti pareil chagrin ; » et quand, venant à débarquer, il ne retrouve pas sa précieuse malle, il croit éprouver une douleur semblable à celle d’un père qui apprendrait la mort de son enfant[1].

Cette infatigable ardeur de travail est en effet le trait qu’il importe de marquer dès l’abord chez Érasme. Le seul enthousiasme qu’il éprouva durant sa vie ne l’abandonna du moins en aucun temps. Il tombe sérieusement malade à Paris en 1498. Guillaume Cop lui déclare qu’il ne peut espérer de guérir, s’il ne suspend tout travail. Mais autant lui dire : « Avant la fin du quatrième jour, tu seras pendu. » Il a pris son parti. Il appelle de l’arrêt de Guillaume Cop à sainte Geneviève qui lui rend la santé, sans lui imposer une aussi dure abstinence. Érasme remercia sa bienfaitrice, et cela sans la moindre ironie, par un ex-voto qui n’était que le récit en vers de sa miraculeuse guérison. Quand on se rappelle avec quelle verve imprudente Érasme a souvent raillé la foi populaire aux reliques, il est piquant de le surprendre ainsi en contradiction avec lui-même. Ce jour-là il ressembla à ces esprits forts qui se glissent dans une église, quand le soir tombe, et vont allumer un cierge devant l’image de la sainte qu’ils ont raillée à midi[2].

  1. Ép. 159.
  2. Divæ Genovefæ præssidio a quartana febre liberati carmen votivum. Bourdaloue a rappelé ce poëme d’Érasme dans le Sermon pour la fête de sainte Geneviève (deuxième partie). Parlant des miracles qu’opère le corps de la Sainte, il ajoute : « N’est-il pas (le corps) jusque dans le tom-