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VIE D’ÉRASME.

yeux d’Érasme, du moins il ne s’abandonnait pas lui-même décidé à vaincre tous les obstacles par son énergie patiente. À peine assuré du lendemain, il rêvait déjà de visiter l’Italie, cette Italie, disait-il à Piscator, où les murs sont plus érudits et plus éloquents que les hommes en Hollande[1] ; mais il dut remettre ce voyage à des temps meilleurs. Appelé d’ailleurs en Angleterre par Mountjoy, qui lui faisait déjà une pension de cent couronnes, il voulut tenter le sort dans un pays qui cherchait à s’éveiller à la vie intellectuelle. Le premier voyage d’Érasme en Angleterre peut être sûrement fixé à l’année 1497.

Il ne faudrait pas que le goût des rapprochements nous fît penser à ce premier et célèbre voyage de Voltaire, où s’acheva l’éducation de son esprit par l’exemple d’une liberté encore inconnue en France. Érasme avait plus à donner qu’à recevoir. L’Université d’Oxford, malgré les leçons publiques que l’italien Cornelio Vitelli y avait données, était encore ensevelie dans la barbarie. Mais déjà s’était formé un groupe d’esprits curieux qui cherchaient à dissiper ces ténèbres. Ils s’empressèrent autour d’Érasme, dont le nom cependant sortait encore à peine de l’obscurité. Celui-ci de son côté, peu habitué à ces prévenances flatteuses, les reconnut par des éloges dans lesquels nous ne saurions voir que la vivacité de sa reconnaissance. Il lui échappait alors d’écrire qu’après avoir joui des trésors d’érudition qui se trouvent en Angleterre, on n’a plus à chercher en Italie que le plaisir de voyager[2]. Dans cette première visite, qui dura à peine une année, Érasme étudia surtout au collège de Sainte-Marie à Oxford, et se lia avec plusieurs

  1. Ép. 14.
  2. Idem.