Page:Feugère - Érasme, étude sur sa vie et ses ouvrages.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
ÉRASME À DEVENTER.

joignit le nom d’Erasmus, qui signifie en grec à peu près la même chose que Desiderius[1]. Son père, à qui l’on avait donné la fausse nouvelle de la mort de Marguerite, était entré dans les ordres. De retour en Hollande, quand il apprit qu’on s’était joué de lui, il se jugea dégagé des vœux que le chagrin seul lui avait fait prononcer ; mais on peut croire que désormais il garda dans ses rapports avec Marguerite la réserve que lui imposait un caractère sacré qu’il n’était plus libre de dépouiller. Dès l’âge de cinq ans, Érasme était envoyé à la petite école de Ter-Gouw, tenue par Pierre Winckel, qui devint l’un de ses tuteurs. À neuf ans, il était enfant de chœur à la cathédrale d’Utrecht, et avait pour maître de musique Jacques Obrecht, célèbre par les belles messes qui le mirent à la tête de l’école flamande. Érasme avait douze ans à peine quand sa mère le conduisit à Deventer.

Vers 1475, le collège de Deventer avait passé sous la direction d’un élève de Rodolphe Agricola, Alexandre de Westphalie, surnommé Hégius, du lieu de sa naissance. Si l’on y retombait encore dans Ébrard et Garland, on lisait cependant les anciens. Érasme apprit par cœur Virgile, Horace et Térence, et reçut même d’Hégius une légère teinture de la langue grecque. Mais un double malheur vint bientôt attrister son enfance et compromettre son avenir. Sa mère mourut quand il avait à peine treize ans. Il paraît donc difficile de lui attribuer sur l’esprit et le caractère de son fils une influence assez particulière pour qu’on puisse sérieusement, comme l’a fait Muller, rapporter aux effets d’une éducation dirigée par une femme l’irritabilité nerveuse qu’Érasme porta plus tard dans le commerce de la

  1. Appendix epistolarum. Ép. 514.